Si la crise sanitaire résultant de la pandémie du Coronavirus a eu raison pour l’instant de nombreux secteurs économiques, il en est un qui paie un lourd tribut, à savoir celui des importateurs de véhicules neufs. À travers cet entretien, Adil Bennani, Président de l’Association des Importateurs Automobiles au Maroc (AIVAM), nous livre son appréciation quant à l’état des lieux actuel du secteur et avance quelques pistes de réflexion censées favoriser une reprise de l’activité dans des conditions optimales.
Challenge : Quel bilan faites-vous globalement des pertes cumulées par le secteur automobile depuis la crise sanitaire ?
Adil Bennani : Annuellement, notre secteur représente quelque chose comme 33 milliards de DH de chiffre d’affaires. Si l’on raisonne à hauteur de 5% du résultat net sur un CA de 15 milliards DH, ce sont environ 750 millions de DH de bénéfices qui partiront en fumée. Par ailleurs, et selon toute vraisemblance, le marché du neuf va enregistrer cette année une baisse d’environ 50%, soit un volume de vente compris entre 90 000 et 100 000 véhicules. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas supporter 50 % de baisse de votre activité, même avec toutes les pistes de compression de charges que vous pouvez imaginer. Définitivement, le secteur sera dans le rouge. Certes, quelques opérateurs pourront, dans ce contexte, tirer leur épingle du jeu, mais cela constitue une minorité.
Donc la vente est quasiment à l’arrêt ?
Absolument ! Nous puisons dans nos stocks d’avant la crise. Or, les charges, elles, sont fixes. Par conséquent, tous les mois nous enregistrons des pertes sèches. Le service après-vente perd en moyenne entre 15 et 20% de son activité. Je serais étonné que nous puissions réaliser 10% de ventes nettes pour ce seul mois de mai.
Comment le secteur va-t-il se relever d’un tel cataclysme ?
C’est très difficile à dire, mais nous attendons que la vague passe et nous nous mettons en ordre de marche. Il faut absolument que la confiance des ménages puisse revenir, car dans un tel contexte de crise sanitaire, l’acquisition d’un véhicule ne constitue pas forcément une priorité. Et il faut bien entendu que l’économie se redresse, de manière à ce que les uns et les autres puissent retrouver cette confiance.
Comment les Pouvoirs publics peuvent-ils soutenir le secteur pour le relancer ?
L’État doit injecter beaucoup d’argent. Aussi, il faut demander aux banques d’accompagner les entreprises. Les dispositions qui ont été prises par l’État, notamment sur le volet social, ont été une excellente initiative. D’autres dispositions ont été prises également à l’attention des entreprises, mais il y a encore beaucoup de mécanismes à mettre en place et qui pourraient contribuer à ce que l’économie puisse redémarrer. Auquel cas, nous demandons au gouvernement un plan pour relancer la consommation automobile. Je rappelle que le secteur de la distribution de véhicules s’articule autour de 400 concessions dans le Royaume, soit plus de 15 000 salariés directs dans l’écosystème auxquels il faut y associer les opérateurs spécialisés en financement, les assureurs ; en tout cas tous les métiers qui gravitent autour de la vente automobile.
Pendant le confinement, beaucoup d’opérateurs automobiles n’ont eu comme seule porte de sortie que de capitaliser sur le digital pour stimuler le processus de vente. Que faut-il en retenir ?
C’est vrai que la crise sanitaire est venue accélérer le mouvement de la digitalisation, tant en aval vis-à-vis du client, qu’en amont au sein de l’entreprise via le télétravail. Maintenant par rapport à la vente, nous ne sommes pas dans une catégorie de produits que l’on va acheter totalement en ligne. Généralement, le client a besoin de voir le véhicule, de choisir les matériaux et les équipements, de discuter tarifs…. Cela dit, un palier a été franchi et nous devons poursuivre l’amélioration du processus de manière à ce que de plus en plus de clients puissent opter pour le canal de la digitalisation.
Comment entrevoyez-vous la reprise au moment du déconfinement ?
S’agissant de l’après-confinement, tous les opérateurs automobiles sont déjà prêts à recevoir la clientèle. Toutes les dispositions sanitaires ont d’ores et déjà été prises, qu’il s’agisse du thermomètre à l’entrée, de la distanciation sociale, des gestes barrière, des mesures de protection tant pour le client que pour nos collaborateurs. Maintenant, et on y revient, le problème consistera à créer l’envie, le besoin. Il va sans dire, que l’ensemble des opérateurs auront à cœur de proposer une palette d’offres d’achat et de promotion en tout genre. Mais cela ne suffira pas. Au sein de l’Aivam, nous avons commandé une étude qui nous permettra de comprendre la mécanique à mettre en place pour justement inciter la clientèle à consommer. Il ne faut pas se leurrer, c’est d’abord une question de contexte macro-économique, il faut que l’on retrouve la confiance de manière à ce que l’on reprenne goût à la consommation, en tout cas pour ce qui est du secteur automobile.