Ramzi Boukhiam: un rêve olympique

by La Rédaction

Surfeur né, Ramzi Boukhiam avait décroché son ticket pour les Jeux Olympiques au Japon avec tout l’espoir d’une victoire et toute l’ambition qu’on lui connaît. Une aubaine pour le Pro des vagues d’Agadir qui a pu hisser le drapeau du Maroc à la plus grande compétition sportive qu’un athlète puisse rêver de réaliser, lors d’une cérémonie d’ouverture pleine d’émotions. Coulisses du rêve, des entraînements, de l’enfance, des débuts, des envies, des projets avec un sportif au supplément d’âme et au supplément d’être avant son départ pour le rêve olympique.  photos © CHRISTIAN MAMOUN et NICOLAS LEROY

Qu’est-ce que cela fait d’être le premier marocain et arabe à être qualifié pour les JO ?

   

Au moment de ma qualification, je ne me suis pas du tout rendu compte de ce qui venait de se passer. Ce n’est qu’en rentrant au Maroc, que j’ai commencé à réaliser que c’était quand même quelque chose d’énorme ! C’est une fierté pour moi de pouvoir représenter le Maroc aux JO de Tokyo où le surf devient pour la première fois discipline olympique.

Comment prépare-t-on les JO ?

J’ai continué ma préparation normalement, comme pendant mes périodes de compétitions.

J’ai passé du temps avec mon coach Aziz Bouchgua au Salvador dernièrement et il vient me rejoindre au Maroc avant notre départ le 17 juillet prochain.

J’essaie de faire 2 à 3 sessions de surf par jour, de préférence dans de petites vagues.

Les vagues au Japon seront petites aussi. J’essaye mes planches pour savoir laquelle sera la plus adaptée à ce type de conditions.

Je garde une bonne hygiène de vie et je m’entraine physiquement.

Je me suis permis de partir un weekend avec des amis à Bin El Ouidane, un endroit au Maroc que je ne connaissais pas et qui est magique. Ça m’a fait un bien énorme. De décompresser, me détendre et de penser à autre chose que les entrainements surf etc.

Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Je suis relax et détendu. 

Je suis très soulagé de savoir qu’enfin, les JO ne seront pas annulés. 

Qu’est-ce que la pandémie change dans votre routine pour les JO ?

En ce moment, plus grand chose. Heureusement, les plages et les salles de sport sont de nouveau ouvertes, je peux donc m’entrainer sans problèmes.

Je me suis fait vacciner, donc je pars bien protégé au Japon.

Il y a tout un protocole avant le départ avec plusieurs tests PCR à faire et sur place, nous allons être dans une bulle sanitaire pour éviter tout foyer de contamination.

Quelle est votre relation avec les Jeux Olympiques, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

Les JO sont le rêve de tout athlète. C’est énorme de pouvoir y participer et de représenter son pays.

Jeune : Un souvenir perso-nnel avec les JO? Une compétition qui vous a marqué, une médaille qui est restée ?

Enfant, je me rappelle les avoir suivis à la télé, avec mon père et mon frère, sans imaginer une minute pouvoir y participer un jour.

Said Aouita, Nawal El Moutawakel et Hicham El Guerrouj, sont les noms qui me reviennent quand je pense aux JO. Ils ont rendu le Maroc tellement fier.

Un athlète qui vous a marqué, tous JO confondus. Et pourquoi.

Usain Bolt en athlétisme et Michael Phelps en natation avec ses 8 médailles d’or aux JO !

Comment le surf est arrivé dans votre vie ?

Depuis tout petit, mes parents passaient beaucoup de temps avec nous à la plage. 

Mon père adorait la pêche, donc on avait la chance de pouvoir l’accompagner à Imourane au KM14. Là-bas, plein de jeunes du coin pratiquaient le surf ou le bodyboard.

Le jour où j’ai su nager, j’ai commencé le bodyboard et quelques années plus tard le surf. Je devais avoir 8 ou 9 ans. J’ai tout de suite accroché et je ne me suis plus jamais arrêté !

Qu’est-ce qu’un bon surfeur ?

Pour moi c’est un surfeur qui a un joli style, qui sait faire des manœuvres radicales, backside et frontside, qui sait surfer dans toutes les conditions.

A quel moment avez-vous eu envie d’en faire votre métier ?

Depuis toujours. On était toute une bande de copains avec les mêmes rêves. On ne parlait que du surf, on regardait les vidéos de nos idoles ensemble.

Tous nos weekends et mercredis après-midi, on se retrouvait à la plage pour surfer.

Comment devient-on pro ?

On commence par faire le circuit de compétitions junior (-18 ans), ensuite on suit le circuit Open de la World Surf League (WSL). 

Si on a de bons résultats depuis son jeune âge, on peut être détecté par une Marque de surf (ou autre) qui, ensuite aide pour le matériel et la logistique (accompagnement, coaching, déplacements et logements)

Vers l’âge de 16 ans ça devient plus sérieux, soit on continue et on devient pro, soit on le fait pour s’amuser. 

C’est à ce moment-là, que de vrais contrats de sponsoring sont indispensables. Sans aide financière d’un sponsor, il est très difficile de suivre le circuit des compétitions (à moins que les parents soient très fortunés).

Comment le Maroc et Agadir ont contribué à faire de vous le surfeur d’aujourd’hui ?

C’est ici ou j’ai découvert ce sport. Où l’on m’a tout appris. 

D’abord sur la plage d’Imourane, mais également à Surfland à Oualidia, une école de surf où je passais toutes mes vacances. 

Qui sont vos modèles dans le surf ?

Depuis tout petit j’adore le style de Rob Machado, un surfeur exceptionnel. Sans oublier Kelly Slater, Joel Parkinson, Andy Irons et Mick Fanning. Nos idoles d’enfance.

En ce moment, je suis impressionné par le talent de Gabriel Medina et Filipe Toledo.

Qui sont vos modèles dans le sport ?

Christiano Ronaldo et Novak Djokovic.Les deux, pour leur force mentale qui est hallucinante

Une journée type de Ramzi?

S’il y a des vagues, je me réveille tôt pour être au spot de surf au lever du jour.

Je fais une session de 1h30 environ. Je rentre pour le petit déjeuner et je visionne les images (si j’étais filmé). Je me repose un peu et je fais un entrainement physique.

Par rapport à la marée, je choisis le spot et l’heure pour ma prochaine session de surf. Je repars après le déjeuner ou plus tard dans l’après-midi, pour surfer.

En fin de journée, étirements et parfois un bon massage !

Est-ce qu’il y a un autre sport que le surf dans votre vie ?

Je ne pratique plus, mais j’adore le foot et les sports de combat

Quelles sont vos autres passions, mis à part le surf et le sport ?

La nourriture, j’adore faire de bons restaurants. J’adore les belles voitures.

Est-ce que le surf est assez pris au sérieux au Maroc. Est-ce que les jeunes peuvent en faire un métier aujourd’hui ?

À mes débuts, le surf n’était pas pris au sérieux au Maroc. On considérait plutôt le surf comme un sport pour les fainéants.

Depuis quelques années ça commence à changer. De plus en plus de jeunes pratiquent le surf.

Maintenant, il est plus facile de trouver des planches, combinaisons etc. Avant, c’était très difficile de s’équiper et de trouver du matériel.

Le surf fait désormais partie de l’économie touristique. 

Le Maroc est devenu une nation de surf connue dans le monde entier pour la qualité de ses vagues et sa diversité de spots. Beaucoup de touristes étrangers visitent notre pays en hiver pour cette raison.

Partout, des surf hôtels et surf camps ont vu le jour et beaucoup de jeunes surfeurs trouvent du travail dans le secteur.

Pour que les jeunes marocains puissent devenir des surfeurs pros, il ne faut pas seulement le talent et le suivi technique par de bons entraineurs, mais également des sponsors Marocains. Suivre le circuit professionnel coûte énormément d’argent. Tout seul, on n’y arrivera pas.

Depuis ma qualification aux JO, j’ai la chance de pouvoir compter sur le soutien de la Fédération Marocaine de Surf et du Bodyboard et le CNOM. J’ai pu signer également un partenariat avec AIN ATLAS (eau minérale) et TAGHAZOUT BAY (station balnéaire).

J’espère que d’autres marques Marocaines vont suivre et aideront les surfeurs talentueux du Maroc à réaliser leurs rêves.

Quelles ont été et quelles sont les difficultés auxquelles vous devez faire face pour exercer au mieux votre métier ?

Les blessures. Je me suis blessé à plusieurs reprises dans le passé. On rate vite sa saison si on est hors de l’eau pendant une période trop longue.

Le fait de se trouver sans sponsor et d’avoir des soucis d’argent. De ne pas savoir si on a assez de moyens pour pouvoir finir sa saison.

Si un sponsor croit en vous, cela enlève un gros souci de la tête, on peut se concentrer entièrement sur l’essentiel : le surf. 

A 18 ans à peine, vous sortez Joel Parkinson et vous faites face à Kelly Slater. Quels sont les souvenirs du QuikSilver Pro France ?

Ah… que de bons souvenirs…. Je n’avais aucun stress, j’étais jeune et j’avais gagné la wildcard. Avec Parko je faisais juste mon surf. Il y avait de belles droites et j’ai réussi à le battre. Il était tellement dégouté, qu’il a cassé sa planche en sortant de l’eau après notre série. Il faut dire qu’à cause de moi, sa chance de devenir champion du monde cette année-là était terminée…. Donc, une bonne raison pour être énervé.

Maintenant on est copain, on se parle de temps en temps sur WhatsApp et on a surfé ensemble au Maroc il y a quelques années.

La série avec Kelly était autre chose…. Il n’arrêtait pas de me parler dans l’eau pour me mettre la pression. 

Comment faites-vous face à l’échec ? 

Sur le moment je suis dégouté, fâché et déçu. Il me faut une bonne journée pour digérer une défaite normalement. 

Après, j’essaie de comprendre pourquoi j’ai perdu, j’en parle avec mon coach. Chaque défaite est une leçon pour apprendre comment réussir.

Comment gérez-vous la réussite ?

J’essaie de garder mes pieds sur terre, sinon c’est mon entourage qui s’en occupe !

Bien sûr, on a l’inquiétude de rester performant et on a la peur de l’échec. Mais il faut rester confiant et croire en soi et toujours viser plus haut.

Qui sont les compétiteurs dont vous vous méfiez aujourd’hui ?

Franchement, sur les 20 surfeurs qui participent aux JO il y a au moins une dizaine dont je me méfie… Ce sont des surfeurs qui sont classés dans le top mondial. Ils sont tous très forts.

Les conditions de vagues au Japon ne vont forcément pas nous permettre de surfer comme on veut. Les petits gabarits auront sûrement un grand avantage. Mais il faut faire avec. Je vais adapter mon choix de planche et je vais tout donner.

L’Afrique est représentée par vous et Jordy Smith, quel surfeur est-il ?

Jordy est un très bon surfeur classé dans le top 10 mondial. Un surfeur puissant et explosif. 

Comme moi il est grand et costaud, donc forcément pas le favori dans les petites vagues du Japon. J’ai d’ailleurs appris qu’il s’était blessé au genou. Pas sûr qu’il puisse participer aux JO. Il se peut que je sois alors le seul représentant Africain chez les hommes.

Comment sont les relations entre surfeurs hors circuit. Avez-vous des amis dans le milieu ou est-ce strictement professionnel ?

J’ai de très bonnes relations avec les autres surfeurs du circuit. Une grande partie de mes amis sont du milieu !

A quoi pensez-vous avant d’entrer dans l’eau, de commencer une compétition ? 

Ça dépend du moment et de mon état d’esprit.

Quel rapport entretient un surfer avec sa planche ? Comment la choisit-on ? A quelle fréquence faut-il la changer ?

Avoir la bonne planche adaptée aux conditions de vagues est primordial.

C’est la raison pour laquelle un surfeur pro doit en avoir plusieurs.

J’ai une excellente relation avec mon shaper Australien Jason de JS Industries. Il me fait de très bonnes planches. On communique beaucoup, il visionne mes vidéos, voit comment je surfe avec ses différentes planches, me donne des conseils sur le volume et cotes. Et à chaque fois que je surfe une nouvelle planche, je donne mon ressenti dans l’eau. 

Il arrive parfois qu’une planche ne soit pas du tout adaptée. On change deux, trois trucs jusqu’à ce que l’on trouve la planche magique. 

Après, les planches que les surfeurs pros surfent ont un glaçage ultra light. Ce qui veut dire que la planche s’abime plus vite. J’utilise environ 40 planches par an.

Quel est le meilleur moment pour surfer?

C’est impossible à dire. Ça dépend de la houle, de la période, de la marée, du vent, du spot etc.


Enfance & Agadir

Qu’aimez-vous le plus à Agadir ?

Mes amis d’enfance et la belle côte qu’on a.

Quels sont les souvenirs d’enfance qui restent en vous ?

Nos journées passées à la plage d’Imourane avec mon frère et mes parents. Mon père sur le rocher en train de pêcher. Mon frère et moi en train de surfer, ou de jouer au foot sur la plage avec nos copains. 

Comment était Ramzi petit ?

J’étais très dynamique, et ne tenais jamais en place. Toujours en train de jouer, de courir ou de faire des conneries. 

Quel genre d’élève étiez-vous à l’école ?

J’avoue que je n’étais pas un élève modèle. C’était difficile pour moi de rester assis sur un banc pendant des heures. J’étais vite distrait. Toujours partant pour les bêtises, souvent collé…

Quel était votre rêve d’enfant ?

Devenir surfeur professionnel

Quelle place avait le surf dans votre vie d’enfant ?

Une très grande place. Tous nos weekends, mercredis et vacances on partait surfer. 

J’ai eu la chance d’avoir des parents qui adoraient la plage, donc pour eux ce n’était pas un devoir, au contraire, toute la famille se faisait plaisir !

Quelle était votre relation avec l’eau ? La mer ?

Ma mère m’a appris à nager très tôt dans une piscine. Je pense que j’avais 3 ou 4 ans. Je nageais comme un chien au début. Plus grand, j’ai appris à nager correctement. Ce n’était pas évident, car il n’y avait pas de cours de natation à Agadir à l’époque. 

J’ai commencé le bodyboard avec des brassards au bras 

Qu’est-ce que Ramzi d’aujourd’hui aimerait dire à Ramzi d’hier s’il pouvait ?

De continuer à rêver et d’avancer dans la vie !

Quelle est votre devise ?

Ne jamais accepter la défaite, on est parfois à un pas de la réussite. Et Enjoy life !

Qu’est-ce qu’un vrai champion pour vous ?

Une personne qui ne cesse de s’améliorer pour toujours être la meilleure version de soi, afin de mettre toutes les chances de son côté pour devenir et rester numéro 1.


Au retour du rêve

“ Je suis assez déçu, j’aurais voulu faire mieux, j’aurais pu faire mieux. Les conditions étaient très compliquées, c’était très aléatoire. Le surf est un sport ingrat et c’est pour ça qu’on l’aime aussi. A part ça, c’était une sacrée expérience. Quelque chose que je n’oublierai jamais. Porter le drapeau était hallucinant, plein d’émotions. Voir tous les athlètes, le village olympique, c’était magique. J’ai adoré. Je suis content pour les autres marocains. J’ai maintenant d’autres objectifs pour le reste de l’année. Je pense déjà à Paris 2024 inchalah ! ”


VH Quizz

Votre tenue idéale
Un beau jean, t-shirt et hoodie

Votre film préféré
The green Mile

La chanson que vous écoutez en boucle
Plusieurs chansons de Meek Mill

Votre destination de rêve
La Polynésie

Votre plat préféré ?
Kefta frites

La plus belle plage selon vous
Les plages des Îles Mentawai

Un livre de chevet. 
« Open » de André Agassi

La planche de rêve
JS Industries

La combi de rêve
L’idéal c’est sans combi, en boardshort

Votre plus beau souvenir dans l’eau
Les belles sessions d’hiver à la maison, quand il y a de grosses houles, sont magiques. Ce sont mes plus beaux souvenirs.

   

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