Après Najat Vallaut-Belkacem et Myriam El Khomri, le gouvernement de Manuel Valls compte désormais une troisième franco-marocaine, Audrey Azoulay. Esquisse d’un portrait.
Personne ne s’attendait à sa nomination. D’après le Monde du mardi 16 février 2016, qui lui a consacré la une et la page 12, c’était à elle de trouver le profil idéal du nouveau ministre de la culture. Après consultations de plusieurs personnalités et palabres entre le premier ministre Manuel Valls et le Président de la république François Hollande, c’est à elle que ce dernier annonça, «la ministre de la culture ça sera toi ». Une première en France car c’est la première fois que la conseillère chargée de la culture et de la communication, nommée en septembre 2014, remplace sa ministre ! Inconnue des députés et des militants socialistes mais très appréciée par le monde de la culture. Peut-on dire pour autant qu’elle a trouvé son poste dans la paille pour ne pas paraphraser un proverbe amazigh de chez nous, «ioufat ghwalim» (il a trouvé la clef dans la paille) ?
Le cocon familial
Depuis sa naissance en août 1972, Audrey Azoulay passa son enfance et son adolescence dans un univers familial épris d’art et de culture. Le papa, André Azoulay, à qui le roi Hassan II avait fait appel en 1991 pour le nommer conseiller économique, a débuté sa carrière en tant que journaliste au Maroc. C’est grâce à lui que l’oubliée ville d’Essaouira-Mogador ressuscite. Il est à l’origine de la création d’une association initiatrice de plusieurs actions culturelles d’envergure tels les festivals Gnaoua, les Andalousies et les Alizés dont la prochaine édition se déroulera du 28 avril au 1er mai 2016. On oublie aussi son rôle incontournable dans l’installation du festival international du cinéma de Marrakech, ainsi que plusieurs missions discrètes dans le domaine culturel. La maman Katia Brami est écrivaine à qui on doit l’un des plus beaux livres d’art sur Essaouira « Essaouira, Mogador parfums d’enfance », concocté en collaboration avec les complices Elsa Rosilio et Régine Sibony. Audrey a deux sœurs, elles aussi dans le milieu. L’ainée Judith travaillait au sein de l’Association Française de l’Action Artistique (AFAA), dépendant à la fois des ministères des Affaires étrangères et de celui de la culture. La cadette, Sabrina, ex directrice des programmes de la chaîne Paris Première, est productrice entre autres de « Entrée libre » que diffuse France 5 et qu’anime l’icône du PAF Claire Chazal. Quand à son mari, François-Xavier Labaraque, croisé à sciences po, est consultant et Président de la société Garum Conseil. Il fut « directeur de la stratégie et du développement » de radio France pendant 14 ans.
Au sein de la famille proche et des beaux parents, on compte d’autres noms à l’instar de Liliane Azoulay, qui a exercé pendant des années à Télérama, de l’anthropologue Elisabeth Azoulay ou du grand écrivain Pol-Serge Kakon, auteur de « porte de lion » et de « Rica la vida », deux titres emblématiques sur la ville des fous et des vents, Essaouira.
Un cursus en béton
Issue de l’école publique, Audrey Azoulay est titulaire d’une maîtrise de gestion à l’Université de Lancaster (Grande-Bretagne, 1993), d’une maîtrise des sciences de gestion (Université Paris Dauphine, 1994), diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (IEP, 1996) et l’Ecole Nationale d’Administration en 2000, promotion Averroès !
L’originaire d’Essaouira, la ville dont les enfants brillent à travers le monde, a surfé allégrement dans les arcanes de la haute administration avant d’atterrir au Centre National du Cinéma pour en devenir numéro 2 à partir de 2011. Appréciée à gauche comme à droite, n’a-t-elle pas été approchée par Dominique de Villepin pour un poste aux Affaires étrangères et par Fréderic Mitterrand au ministère de la Culture ? Le milieu culturel l’encense et les fins connaisseurs des coulisses du pouvoir en France évoquent son sens de l’état, son savoir-faire, sans oublier son sourire et son calme pour résoudre les dossiers les plus épineux. Un indéniable atout à l’horizon des prochaines échéances électorales, les présidentielles.
Sa nomination conseillère chargée de la culture et de la communication coïncidait avec les nominations de Najat Vallaut-Belkacem et Myriam El Khomri au gouvernement Manuel Valls II. Elle coïncidait aussi avec les expositions « le Maroc contemporain », qu’abrita l’Institut du Monde Arabe et « Le Maroc médiéval », accueillie par le Louvre avant d’atterrir au Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain. Sa nomination ministre de la culture coïncide avec la visite Royale, le lancement des travaux du futur Centre Culturel Marocain, qui doit ouvrir ses portes en 2018, et les préparatifs de la grande expo sur le Maroc qui aura lieu à Paris en octobre 2016. Elle coïncide avec le réchauffement des relations franco-marocaines.