Hassan Hakmoun, un chaman marocain a New York

by Abdelhak Najib

Hassan Hakmoun est une star planétaire. Le natif de Marrakech qui vit à New York compte parmi les plus grands musiciens aux USA. Il donne des concerts dans le monde entier, comme cette dernière tournée au Japon en septembre 2015, où le Marocain a été impressionnant de justesse, de maitrise, avec un répertoire solide, nourri aux origines de la musique africaine, maghrébine, méditerranéenne et mondiale. Hassan Hakmoun allie rythmes gnaouis au jazz, avec des teintes funky et blues. Un mélange de styles sublimes par un musicien hors pair pour qui la musique est une philosophie. 

Hassan Hakmoun a tout compris, très vite. Au milieu des années 80, les Etats Unis d’Amérique étaient vraiment le bout du monde pour les Marocains. Lui, a saisi l’importance d’aller se faire une carrière là où tout peut devenir possible pour peu qu’on y mette du sien. « If you can make it here, you can make it every where », dit la chanson de Frank Sinatra. New York, New York, là où les rêves prennent corps, là où on peut aussi se rétamer et regretter le périple. Mais Hassan Hakmoun avait déjà derrière lui une solide formation de musicien. Pour ce Marrakchi pur jus, né en 1963, rien d’impressionnant de prendre un billet simple et de partir se faire une place où tout se joue dans l’instant. Hassan Hakmoun est donc parti, nourri et baigné dans des ambiances ancestrales qui faisaient partie de l’apprentissage du futur grand musicien qu’il était destiné à devenir. L’artiste est déjà là. L’art a déjà imprimé ses empreintes dans la chair du bonhomme, que l’on dit, dans son entourage, chez ses amis de toujours, qui fréquentent toujours la place Jamaa El Fna, « est un homme qui ne recule devant rien, qui regarde, suit, écoute, apprend si vite qu’il peut vous surprendre à reprendre n’importe quel morceau par cœur comme s’il en était l’inventeur et le créateur ». Ce sont là les paroles de son ami de toujours , Abdelhak de la place, un gnaoui, habité lui aussi par la passion et le ‘esprit sacré de la musique qui guérit. Quand on a un tel vécu ; quand on a été bercé dans des atmosphères de transe musicale très jeune, comme c’est le cas de Hassan Hakmoun, le plus dur est de le mettre tout ce passé à contribution et en faire son art. Hassan Hakmoun réussit son tour de force. Il part en 1987 aux USA, décidé de se faire un nom. Il voit grand. Il veut devenir grand. Cela passe par du travail, des albums, des rencontres… Il se lance en 1990 avec l’album « Zahar ». C’est du pur rythme gnawa, mais avec d’autres influences jazzy et folk. On y touche des influences claires de Adam Rudolph. Hassan Hakmoun sait où il va parce qu’il sait aussi d’où il vient et ce qu’il porte dans la besace comme héritage, comme culture, comme identité. Il sent qu’il a assez de maturité pour ne plus revendiquer aucune paternité. Musicale s’entend. Suivent alors des sorties comme Gift of The Gnawa qui sonne comme un cadeau de retour pour ce berceau qui l’a vu naître, un album sacré par les grands, qui fait le tour des Charts, dont on parle dans Rolling Stones et le New York Times. Bref, Hakmoun devient une valeur sûre. L’icône est en route. Il faut attendre de confirmer avec d’autres titres, d’autres opus. La suite ne sera plus qu’une succession d’expériences, de recherches dans des cessions de travail avec des opus forts : « The Fire Within » ou encore « Around the World ». La musique de Hassan Hakmoun devient alors comme un tour d’horizon dans la planète musique toujours explorant d’autres expressions rythmiques et mélodiques. Aujourd’hui à New York, il fait partie des noms qui comptent. Ceux qui ont une vision musicale. Ceux qui nourrissent des héritages communs, entre différentes musicalités, dans un élan de partage culturel de toute beauté. Hassan Hakmoun est devenu un label, une marque de fabrique, une référence musicale planétaire du Japon au Brésil en passant par la Californie, la Côte Est, l’Europe entière, sans oublier l’Afrique où au Sénégal, au Mali, au Nigéria, son nom est synonyme de pionnier dans une musique aux consonances universelles.


   

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Avec Hassan Hakmoun, nous sommes toujours devant un travail d’interrogations. Au fil des concerts et des compositions, le musicien gnaoui avance par paliers, ne ferme jamais la porte sur une période musicale pour en aborder une autre, mais crée des sentinelles, des rappels, des points de repères, qui lui servent de liens entre ces différents albums, dans leurs nombreuses sinuosités.

Nous sommes toujours en relation avec les racines, qui semblent être une constante dans la longue carrière du musicien marocain. Toutes les ramifications de l’Afrique, du Maghreb et de leurs consonances mondiales sont présentes. Elles sont ici représentées, recréées, remodelées dans une vision multiforme de la musique. Ce que raconte cette musique, va au-delà de ce qui est donné à écouter. Il faut creuser dans le passé, revenir aux origines, interroger les racines de chacun.

Dans la musique de Hassan Hakmoun, il y a l’arrière histoire de chaque musique dans son rapport à l’être, à l’espace, aux sensations qui président à sa naissance, dans  ses origines humaines et culturelles.  C’est en cela que le travail de  Hassan Hakmoun demeure à la fois, sensuel tel un hymne à la vie dans ce qu’elle a de plus originel, mais aussi très solide dans ses rythmes, ses trouvailles musicales, ses notes et tonalités.
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Avec le succès et sa popularité, les titres de Hassan Hakmoun font le tour du monde. Son album Fire Within, Gift of the Gnawa and Trance a été au top des Charts pour la World Music Albums, World Music Charts Europe, New World and CMJ’s Radio Top 150. Cet opus a été choisi par le magazine Rolling Stones comme l’un des meilleurs albums de l’année 1994. Les grandes performances de Hassan Hakmoun ont reçu des lettres d’amiration de la part de grandes figures aux USA comme l’ancien Maire de New York, David Dinkins, de la part d’une immense icone de la television américaine, Jay Leno et de la part d’un grand saxophoniste comme David Sanborn. Son travail a été largement salué par  le New York Times et la  British Broadcasting Corporation.”

Hassan Hakmoun, en véritable artiste issu de la confrérie chamanique des gnawas, a une vision, il a une approche particulière. Tout découle pour lui d’une philosophie de la vie, des rapports humains, des relations entre hier, aujourd’hui et demain. Hassan Hakmoun reste toujours dans la finesse du regard porté sur son monde. Il a cette acuité de ne pas forcer les traits quand il écrit, de laisser fluide et la vision et les univers qu’il met en chanson.
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La musique gnawa, nourrie aux références jazz et blues, creuse un sillon entre le chanté et le révélé. Elle devient une histoire de culture, d’identités nombreuses, de resourcement et de partage. La musique devient du coup une lecture esthétique de la vie et du monde entre suggestions et complicité. Derrière les notes, derrière les chansons, les différentes portées rythmiques, il y a le vécu d’un homme, il y a aussi l’artiste qui façonne, triture, tourne le monde et ses folies à sa guise, crée de nouveaux univers à travers le ton, la note, le rythme, le mot…

Hassan Hakmoun est aussi un artiste qui marche au feeling. La vie passe pour le musicien marocain par le biais de l’humain, du rapport qui se crée dans cette spontanéité toute franche qui parfois scelle des destins étranges. Comme toutes ces belles rencontres qu’elle a eues avec des artistes majeurs comme l’immense Miles Davis.  Dans cette lecture de la musique du monde, il s’agit pour Hassan Hakmoun d’un élan humain qui transcende les accointances habituelles où d’autres critères entrent en jeu. Il y a d’abord la passion qui régit la vie de père de famille pour qui écrire de la musique, chanter et monter sur scène ne sont  pas un métier mais un mode de vie.

Devant la musique de Hassan Hakmoun, et là, c’est l’avis de tous les grands spécialistes au monde, nous sommes face à une musique poétique, une musique décalée, qui engendre un champ intérieur de perception où l’imaginaire et la sensation sont en mouvement. Le tout avec une relation directe à l’œuvre contemporaine, par une approche poétique et expérimentale de sa construction. Qui va au-delà de la représentation pour s’inscrire dans l’expressionnisme le plus moderne de la musique dite traditionnelle.

   

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