Organisé depuis 2008 par l’Association de Culture et d’Éducation par l’Audiovisuel, le Festival International de film Documentaire d’Agadir est la première manifestation cinématographique marocaine exclusivement dédiée au documentaire de création. Comme toutes les autres manifestations culturelles marocaines, la 12ème édition du FIDADOC n’a pas pu se dérouler à Agadir dans son format traditionnel et au calendrier prévu (9 au 13 juin 2020). Désireux d’assurer la continuité et la visibilité du Festival auprès des passionnés de documentaire et des partenaires qui soutiennent son action avec fidélité, l’équipe du FIDADOC a conçu une édition digitale qui a fait sa levée de rideaux le 14 et qui se poursuit jusqu’au 19 décembre. Une édition 2020 sous le thème : « L’élitisme pour tous. » . Rencontre avec Hicham Falah, délégué général du FIDADOC.
1. Comment penser et faire une édition en pleine pandémie ? Quels ont été les défis de cette édition digitale ?
La préparation de cette édition s’est déroulée comme d’habitude, avec les mêmes difficultés que d’habitude.
Comme tous les années, nous avons dû nous adapter, chercher des solutions alternatives, faire appel à la solidarité de notre communauté professionnelle à l’échelle internationale. Pour les acteurs culturels marocains, cette situation ne fait que confirmer que le rôle de notre secteur n’est pas considéré à sa juste valeur tant au niveau humain qu’économique. Le principal défi a été de trouver et mobiliser les compétences spécifiques aux outils digitaux, mais le plus important reste de définir des objectif clairs et la stratégie pour les atteindre. Concernant le FIDADOC, notre priorité est de maintenir l’exigence de qualité de je la programmation et sa cohérence (une sélection de films de qualité internationale, donner la parole aux auteurs de ces films), favoriser leur accès à tous les publics en offrant un visionnage gratuit en fonction du calendrier du festival. Et grâce aux outils digitaux, s’adresser aux public sur l’ensemble du continent africain. Nous n’avons pas voulu faire une copie digitale du Festival mais de le réfléchir comme un événement digital.
2. Le documentaire redevient « à la mode » ces dernières années, comment expliquez-vous ce retour au vrai ?
Le problème est que l’on met le mot documentaire à « toutes les sauces » et que beaucoup de films qui se définissent comme documentaires n’ont rien de « vrais ».
Le cinéma documentaire est d’abord du cinéma, avec un point de vue et une écriture.
L’explosion de la production est d’abord dû aux évolutions techniques, qui permettent de tourner un film avec une petite équipe et un budget modeste.
3. Est-ce que la pandémie a affecté le documentaire ? Ou l’a t-elle nourri ?
Il est clair que le cinéma documentaire est beaucoup plus impacté que la fiction, car les projets prêts à tourner ont été écrits, pensés, avant cette situation, et que le cinéaste qui veut se confronter au réel ne va pas demander aux gens d’enlever leurs masques pendant qu’il filme, comme on arrête la circulation pour le tournage d’une fiction.
Il y aura et il y a déjà beaucoup de films documentaires qui témoignent « de la période Covid19 ».
Beaucoup de films forcément intimes, introspectifs, qui racontent des vies en suspension.
Des films forcément universels, car c’est sans doute une des premières expériences partagées par les habitants de toute la planète, en même temps, alors qu’ils sont connectés.
4. Comment le FIDADOC a-t-il contribué à développer le documentaire dans la région ? Quelles sont les principales difficultés rencontrées ?
Le FIDADOC et ses deux programmes de formation et d’accompagnement, la Ruche documentaire et Produire au sud Agadir, ont contribué à leur niveau à ce renouveau du genre, en cristallisant ou en encourageant le désir de jeunes cinéastes de passer à l’acte.
Nous sommes fiers que sur la centaine de projets marocains et africains qui ont bénéficié de nos deux programmes, une trentaine ont abouti ou sont en cours de production.
La principale difficulté reste le manque de producteurs « créatifs » dans notre région. Des professionnels capables de prendre le relais de nos initiatives, d’accompagner le développement des projets et de saisir les opportunités existantes sur le marché international.
L’autre défi est de briser ces murs qui existent toujours entre le Maghreb et le Proche-Orient, entre les zones francophones et anglophones sur le continent Africain, des divisions administratives et politiques artificielles maintenues pour préserver certains intérêts, qui ne favorisent pas la circulation des œuvres et les coproductions sud-sud.
C’est pourquoi, plusieurs opérateurs du documentaire en Afrique, parmi lesquels le FIDADOC, comptent lancer très prochainement de nouvelles initiatives pour favoriser les échanges et les coopérations au sein de notre continent.
5. Comment se porte le documentaire marocain ?
Comparée à ce qu’elle était il y a dix ans, il est évident que la situation actuelle est plutôt positive.
La sélection inédite de plusieurs films marocains le mois dernier au festival d’Amsterdam (IDFA), qui constitue le principal rendez-vous international du cinéma documentaire, est l’illustration de cette embellie.
Parmi eux des auteurs confirmés comme Simone Bitton et Ali Essafi, mais aussi des premières œuvres documentaires comme celles de Karima Saïdi, Asmae El Moudir et Myriam Bakir.
C’est une situation encore très fragile, car le cinéma documentaire reste encore le parent pauvre au niveau des financements publics et privés dans notre pays, mais le fait que cette nouvelle génération soit composée de nombreuses femmes cinéastes me rend optimiste. Elles ont déjà fait preuve de leur ténacité et continueront à le faire !
6. Quel est un bon documentaire selon vous ?
Un film qui m’étonne et me surprend.
Un film que je trouve plaisir à revoir, car il m’étonne et me surprend à chaque nouvelle vision.
La principale difficulté reste le manque de producteurs « créatifs » dans notre région.