Avoir choisi pour titre de l’exposition de Mohamed Mourabiti « Entre Peinture et Poésie », n’est pas anodin. La préposition « entre » nous renvoie à un espace qui sépare les choses et les personnes, mais aussi les objets intellectuels et moraux.
Nous sommes donc en présence d’un lieu mouvant, aux frontières fluctuantes ; mais ce qui peut apparaitre, à première vue, comme un no man’s land, n’est autre qu’un formidable creuset de création, de frottements d’intelligences et de sensibilités. On aurait envie de citer la célèbre phrase de Montaigne dans les Essais, explicitant son amitié à la Boétie : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ».
On pourrait, plus tard, convier Goethe avec les Affinités électives. Il y a entre peinture et poésie, affinité, élan.
Il existe aussi une relation de chair à chair entre les deux disciplines. C’est avec le corps, avec les « tripes » qu’on ressent les émotions suscitées par les deux arts.
Attirance, aimance, sont certainement les termes les plus idoines pour nommer cette relation si singulière qui lie peinture et poésie.
Si des écrivains de notre passé universel (et la liste serait serait très longue) sont convoqués, c’est qu’ils éclairent la démarche du peintre. Mohamed Mourabiti est un artiste qui voit en l’écrit un alter ego à son œuvre picturale. Le mot n’est pas un rival, mais un partenaire avec lequel engager un échange. Le mot nourrit la toile. Les collages, les signes s’immiscent dans la toile et ne font plus qu’œuvre unique. Ils sont présences, témoignages.
Entre peinture et poésie, un univers se façonne, composé de quêtes inlassables, souvent douloureuses, toujours stimulantes, un univers bouillonnant fait de rencontres d’hommes et de femmes animés par la même passion créatrice ; nous sommes face à un imaginaire qui s’impose comme nécessité absolue dans un monde toujours plus enclin à la rationalité, un monde technologique qui encadre et dompte l’individu.
Lorsque peinture et écriture fusionnent, c’est pour la plus grande félicité de ceux qui assistent à cette naissance. Et le regard profond et généreux de Mourabiti en dit long. Accompagné de ces amis écrivains, poètes, Michel Butor, Adonis, Mohammed Bennis, Adil Naji, Mostafa Nissabouri, Bernard Noel, Anne Rotschild, Abdelhak Serhane, il tisse une merveilleuse aventure, celle de la vie, de la terre, des terres ocres dont il est originaire. Des volumes effilés prennent leur essor. Des traits finement esquissés nous convient à un voyage aérien. Les éléments de la nature, omniprésents, sont animés d’un souffle vital et se fondent dans le cosmos.
Mohamed Mourabiti fixe sur la toile sa respiration du monde.