Rencontre avec l’acteur qui a joué dans : The Irishman, Youth, Inglorious bastards, Pulp Fiction, Telma & louise, Taxi Driver, La tentation du Christ, …
- Dans une si longue et riche carrière, avez-vous conservé la même approche dans le jeu d’acteur ou a-t-elle évolué avec le temps ?
Je peux dire que je suis meilleur qu’à mes débuts. j’ai évolué dans ce sens. L’idée d’appliquer la méthode, c’est forger l’acteur à devenir authentique, à devenir plus fidèle sur le plateau. Plus j’avance, et plus authentique je deviens, et l’amélioration continue.
- Comment se fait votre choix pour un film ?
Je vais comparer ça à quand vous arrivez à une soirée, et parmi toutes les personnes présentes, vous en voyez une et vous vous dites c’est la personne que je veux. Vous devez être attiré par votre rôle, sinon vous perdez votre temps.
- Pourquoi le film «Youth » vous a marqué particulièrement ?
Paolo Sorrentino est un magnifique réalisateur, son travail est excellent et quand vous rencontrez quelqu’un comme Sorrentino, vous ressentez l’envie absolue de travailler avec lui.
- Êtes-vous le genre d’acteur qui fonctionne à « on tourne quand vous êtes prêt » ou plutôt vous vous exécutez au mot « Action » ?
Avec Sorentino c’est plutôt « Action ».
- Vous êtes très sensible à la musique, et il paraît que vous aimez la musique arabe, orientale même certaines chansons orientales.
Je ne connais pas très bien la musique arabe, mais quand je l’ai découverte, j’ai beaucoup aimé le son. La mélodie est très belle. D’ailleurs, ça me fait penser à un livre que j’ai lu de Joseph Conrad et à la scène où il y a ce jeune homme à qui on a demandé de chanter. Ça se passe en inde lors d’un gala organisé par des anglais… le jeune homme dit qu’il ne peut pas… mais quand la musique a commencé et que la soirée avançait, il a ressenti cette envie de le faire. L’allusion est par rapport à l’envie de le faire et non pas à l’obligation. Un effet de la musique certainement.
- L’expérience de travailler avec le scénariste du film « Just Noise ». Qu’avez-vous découvert ?
Oui le scénario de Jean Pierre Magro. J’ai découvert un jeune scénariste. Un beau script très excitant, une combinaison de drame, d’action et de passion. Un film sur la révolution des citoyens maltais qui se sont battus pour l’indépendance de la Grande-Bretagne en 1919. Le film sortira bientôt aux états unis.
- Vous avez toujours travaillé avec des réalisateurs de différents horizons, américains, européens, comme avec Bertrand Tavernier. Est-ce que l’approche est différente ?
Tous les réalisateurs ont un dénominateur commun. Qu’importe la langue, ils sont tous des êtres humains. La personnalité peut être différente mais j’ai eu la chance de travailler avec des gens qui sont bons, qui ont du cœur, qui ont un sens de l’humour et de l’engouement pour leur travail, et surtout, ils sont authentiques.
- Le films « Painted birds », festival de Venise. Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler dans un film noir ? (Le film est une adaptation du livre L’Oiseau bariolé de Jerzy Kosinski)
Ah ..Painted birds de Václav Marhoul. Painted birds est le meilleur livre, jamais écrit. Ce n’est pas une biographie mais c’est beau, ça a pris des années a Marhoul pour travailler ce film. Quand on m’a remis le script, j’ai dû lire le livre, je l’ai trouvé magnifique. Vaclav n’a jamais été fatigué de travailler dessus. Je me pose la question, comment ça se fait qu’aucun réalisateur américain n’ait déniché ce film avant Marhoul. Un brillant travail. D’ailleurs, c’est le genre de films que j’ai envie de faire, et c’est pour ça que j’ai aidé Vaclav Marhoul à le faire ; ça ne veut pas dire qu’il ne l’aurait pas fait sans moi, mais quand il m’a demandé de l’aide, j’ai dit oui. C’est un film qui a eu énormément de belles critiques à travers le monde. Je suis content que vous en parliez, il sortira bientôt aux USA.
- Est ce qu’il y un film qui n’a pas eu le succès qu’il aurait dû avoir?
Je faisais une interview téléphonique et on me demande quel est le film pour lequel j’aurais dû avoir un oscar. Je réponds « tous ».
- Est-ce que le cinéma peut faire changer des choses dans ce monde?
Absolument la vie nous emporte vers l’art et l’art nous transporte à la vie.
- Vous avez passé un certain temps avec une famille marocaine en préparation du tournage du film « La dernière tentation du Christ »?
J’ai plusieurs visions qui me viennent à la tête de ce séjour dans ce village marocain. La première fois que j’ai vu une danseuse du ventre, c’était au Maroc et je trouve cette danse d’une telle beauté, sensualité certes, mais c’est très beau comme danse.
- Vous avez dit que vous aviez en vous un ange et un démon qui sont en perpétuel conflit. Qui l’emporte sur l’autre ?
Je ne crois pas qu’il y ait un gagnant et un perdant entre l’ange et le démon. Je pense qu’ils sont quelque part connectés en nous.
- Vous qui avez réussi une grande carrière. Pourriez-vous partager avec nous une leçon de vie en tant qu’acteur, sur l’amitié, l’amour, le comportement…
Je vais vous dire des mots qui viennent à mon esprit spontanément et que je dis souvent à mon fils : « étudie, étudie, la littérature, les arts, la music… les arts existent en tout et ils portent toujours des messages, du sens. Ou plutôt le sens. Ça ne doit pas être d’une façon tutorial, mais il y faut toujours apprendre et continuer à apprendre ».
- C’est quoi d’être acteur après toutes ces années ?
C’est un moyen de vivre. Je ne sais pas qui a choisi le premier. Est-ce que la vie a choisi pour moi que je sois acteur ou c’est moi qui ai choisi d’être acteur mais je suis là et j’ai été chanceux. Je sais que quand je parle à mon fils, j’essaie toujours de l’encourager à faire l’expérience de la vie et ne pas lui tourner le dos. Au lieu de rester accroché à tout ce que nous offre la Silicone Valley. Nos enfants sont accrochés à leurs écrans. C’est une honte ce qui se passe ; ça me donne envie de crier. Nous essayons de contourner mais nous sommes en train de perdre cette bataille. Mais on doit continuer…. Les gens meurent… il y a des maladies qui se créent. Ça me rappelle les dommages faits par les compagnies de tabac, avec nous, à notre époque.
- Vous avez été dans le cinéma, pas pour en faire une carrière au début, mais plutôt comme une exploration de vous-même et de votre nature humaine.
Absolument. Un professeur que j’avais, a dit un jour : « l’analyse d’un texte c’est l’éducation de l’acteur ».
- Que pensez du festival de Marrakech? Est-ce que vous connaissez le cinéma marocain ? Est-ce qu’il y a des chances pour que les films marocains soient vus à l’échelon mondial ?
Tous les festivals sont importants. C’est un moyen de traiter les problèmes de nos communautés. Ça peut se faire à travers l’art, n’importe quel art. le cinéma est le meilleur moyen.
Plus j’écoute les informations à la télé, plutôt les fausses informations, plus ça anime en moi le côté artiste pour dire la vraie histoire…. La nécessité de dire la vraie histoire. C’est là, la vraie bataille. Nous sommes dans une mauvaise période, nous devrions décider quelles sont les priorités dans nos agendas…devrions-nous suivre les vraies valeurs de notre constitution, ou vivre avec toutes ces suppressions de vérités…. Donald Trump…. C’est une vraie guerre aux USA aujourd’hui, où est la tolérance religieuse, la tolérance en justice…. Ils veulent une autre manière de vivre…Ils veulent discriminer…ce racisme…. Cette intolérance….
- Avez vous d’autres envies à réaliser dans votre vie ? produire des films, en réaliser
Je suis chanceux d’en être arrivé là où je suis, heureux de continuer à travailler avec des réalisateurs formidables que j’ai eu la chance de rencontrer.
Sur cette belle conclusion, nous avons remercié Harvey Keitel pour son amabilité, pendant qu’il continuait à siroter son thé à la menthe qu’il aimait tiède et bien sucré.
Interview par Mounira Tyal
PS: La rencontre était en présence de 4 autres journalistes.