Art : le grand artiste peintre Mohamed Melehi n’est plus

by David Jérémie

Nous nous en faisions l’écho dans un précédent article : Mohamed Melehi avait été hospitalisé ses derniers jours au service réanimation de l’hôpital Ambroise Paré à Paris après avoir contracté la Covid-19. C’est une triste nouvelle qui est venue ponctuer ce mercredi 28 octobre puisque l’artiste peintre reconnu mondialement a tiré sa révérence à l’âge de 84 ans.

Fondateur majeur de l’art moderne dans le Royaume, Mohamed Melehi est né en 1936 à Assilah. Faut-il préciser que son œuvre a contribué à façonner l’esthétique des réseaux artistiques postcoloniaux et panarabes à travers ses expérimentations géométriques, la révolution culturelle opérée avec l’École de Casablanca mais aussi de par son travail de photographe, d’éditeur, de designer, d’affichiste et de muraliste.

Marqué par les traditions orientales, mais aussi par la sobriété et le dépouillement de l’esthétique almohade, il avait entamé une longue réflexion sur le destin de l’héritage culturel marocain dans l’ère moderne dominée par la technique.

   

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Rappelons que Mohamed Melehi avait suivi, entre autres, une formation d’artiste à la Royal Academy of Arts de Séville. En 1962, il a reçu une bourse pour étudier à l’Université Columbia à New York.

Son travail était caractérisé par un kaléidoscope de couleurs, avec des motifs superposés sur la toile conférant un sentiment de liberté psychédélique. Il a commencé à incorporer des lignes parallèles ondulées, un motif auquel il est revenu tout au long de sa carrière.

De retour dans le Royaume, Melehi, avec ses amis artistes Farid Belkahia et Mohammed Chabâa, a cherché à développer un modernisme qui ne se contentait pas de reproduire l’esthétique occidentale qu’ils avaient vue à l’étranger, mais était enraciné et qui devait autant à la culture locale.

 «La peinture hard-edge m’a fait redécouvrir l’abstraction inhérente à l’art islamique», avait-il déclaré. Prenant un poste d’enseignant à l’école d’art de Casablanca, où Belkahia était directeur, Melehi a encouragé ses élèves à faire des excursions pour étudier l’artisanat et l’architecture berbères. «Ma question était : que pourrions-nous trouver au Maroc qui soit une expression du modernisme ?».  

Melehi a continué à travailler à l’extérieur, cherchant un public loin des limites raréfiées du musée. Il a commencé à peindre sur bois et a entrepris plusieurs collaborations avec des architectes cherchant à créer une «architecture postcoloniale». Ses peintures ont longtemps diverti un petit groupe d’érudits, mais, plus important encore, avec sa palette joyeuse et ses motifs confiants, l’artiste a cherché un public aussi large que possible. C’est la sensualité de son œuvre, et la facilité avec laquelle elle chevauche modernité et tradition, qui se révèle encore radicale.

Artiste et professeur engagé, il a collaboré à la création des revues «Souffles» et «Intégral». Il fut également co-fondateur, avec Mohammed Benaissa, du Moussem d’Asilah. Par ailleurs, il a été directeur des arts au ministère de la Culture du Royaume de 1984 à 1992.

Ses créations artistiques ont d’ailleurs fait l’objet de nombreuses expositions dans le monde entier et plusieurs rétrospectives lui ont été consacrées. Rappelons qu’à l’occasion d’une vente aux enchères en ligne organisée du 18 au 25 juin dernier par Sotheby’s, l’une de ses œuvres «Soleil oblique II» avait pulvérisé tous les records. Estimée entre 80 000 et 120 000 dollars, elle a été acquise au prix de 200 000 dollars, soit plus de 1 931 000 DH.

De nombreux hommages faisant suite au décès de cet immense artiste peintre ont fleuri sur la toile. Ainsi, Hicham Daoudi, promoteur artistique, propriétaire d’une maison de vente aux enchères et de plusieurs galeries d’art dans le Royaume, a posté un vibrant témoignage sur sa page Facebook que nous vous livrons tel quel :

« ce soir je n’ai pas les mots pour parler de Simohamed Melehi. Que ce grand génie repose en paix et puisse Dieu entourer ses proches de bienveillance surtout son épouse Khadija et ses enfants issus de ses précédents mariages. J’aurai tant à dire sur tout ce que je sais de Melehi, mais ce soir et ces prochains jours c’est d’abord le temps du recueillement et de l’acceptation.

Si Melehi mérite notre respect, j’invite les gens à le relire, réécouter ses interviews, et ses apparitions TV. Je pense ce soir à toutes les personnes qui l’ont accompagné artistiquement et qui ont su restituer son génie : Moulim Laaroussi, Morad Montazami, Toni Mairani, Leila Faraoui, Brahim Alaoui, Pauline Demaziere, Reem Fadda, Salma Lahlou, Fatim Zahra Krissa, Abdellah Karroum, Brigitte Huault Delonnay, les galeries qui l’ont exposé, ses amis Choukri Bentaouit et tant, tant d’autres… Merci au MACAAL d’avoir accueilli sa grande expo à Marrakech. Repose en paix Cher ami. Nos appels et notre complicité me manqueront beaucoup ».

La rédaction de VH présente à sa famille et à ses proches ses plus sincères condoléances.

   

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