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Hong Kong, Sydney, Paris ou Casablanca. Le constat est identique : la liste des vols annulés sur les écrans des aéroports ne cesse de s’allonger. Le Covid-19 est présent. Invisible & indolore, il demeure l’ennemi de toutes les sociétés. Absolument toutes. Ce virus, autrement appelé Coronavirus, met à mal l’économie de toute la planète, et plus particulièrement le secteur aérien. Outil indispensable au développement des échanges économiques, l’aviation se retrouve en première ligne.IATA est l’Association internationale du transport aérien. Ce regroupement représente 290 compagnies aériennes qui n’assurent pas moins de 82% du trafic aérien mondial. IATA s’est lancée dans une projection qui prévoit une perte considérable. Celle-ci vacillerait entre 63 et 113 milliards de dollars cette année. Ce chiffre pourrait allégrement être dépassé, au vu des dernières décisions de fermer les frontières dans plusieurs pays. Il est donc à mon sens sous-évalué. En effet, les compagnies aériennes verront leurs pertes se multiplier.Afin d’illustrer l’ampleur de la situation, le groupe Lufthansa continue de faire voler seulement 63 des 763 avions, soit à peine plus que 8% de la flotte totale (le Groupe Lufthansa est constitué de plusieurs compagnies aériennes, dont Austrian Airlines, Brussels Airlines & Swiss International Airlines…).C’est là un exemple frappant : pionnière du secteur, adoubé par les marchés, la solidité financière de cette compagnie, l’une des plus solides en Europe n’est plus à démontrer. En revanche, le cri d’alarme lancé par son CEO laisse perplexe quant à l’avenir du secteur. Aux Etats-Unis, plus aucune compagnie américaine ne vole vers la Chine, l’un des principaux marchés aériens au vue du trafic entre les deux pays.Evoquons l’exemple d’American Airlines (AA), membre fondateur de l’alliance One World (prestigieuse alliance que rejoindra Royal Air Maroc dans quelques jours).Au départ des USA, AA opérait avant la crise entre 26 et 30 vols par semaine vers la Chine. Depuis quelques semaines, ce chiffre reste bloqué à 0. L’impact de cette rupture entre les deux puissances mondiales se fait sentir par ricochet pour toutes les compagnies de la région asiatique, car dans plus de 50% des cas, les voyageurs poursuivent leur périple vers une autre destination régionale.Conséquences directes : Asiana Airlines & Cathay Pacific furent les premières compagnies au monde à demander à leurs employés de prendre des congés sans solde, seule solution face à la déferlante du virus en Asie et au peu d’anticipation et de visibilité de cette situation sans précédent.Les compagnies aériennes sont-elles suffisamment solides pour survivre ?De manière générale, les compagnies aériennes dont l’Etat est actionnaire, auront plus de chances de survivre. C’est le cas de notre fleuron national, Royal Air Maroc, mais aussi d’Air France, Tunisair, Air Algérie, Alitalia et bien d’autres.Alitalia pourrait « profiter » de ce virus pour enfin sortir la tête de l’eau. En grandes difficultés depuis des années, la compagnie additionne les pertes et fut placée sous tutelle en 2017. Depuis, l’Italie cherche des repreneurs, en vain. Faisant face à ce manque d’intérêt, le pays s’est enfin décidé à nationaliser la compagnie aérienne, membre de l’Alliance Skyteam.D’autres n’ont pas cette chance. Plus au nord de l’Europe, la spécialiste du LowCost Norwegian vole à contre-courant. Déjà en difficultés à cause de l’immobilisation mondiale du Boeing 737 MAX, la compagnie a dû mettre au sol l’ensemble de sa flotte de ce type à cause des problèmes de logiciels, qui tardent à être réglés par Boeing. La chute de la demande met la compagnie aérienne à genoux. Elle a dû mettre au chômage partiel plus de 7300 personnes suite à l’arrêt quasi complet de ses opérations. La Norvège a accordé une garantie étatique qui va lui permettre de survivre quelques mois. Suffisant ? Affaire à suivre…Lire aussi : Punctuality League 2020 : Voici les compagnies aériennes les plus ponctuelles au mondeToutes les compagnies du monde sont à l’agonie. De l’autre côté de la planète, un fonds de 480 millions d’euros viendra à la rescousse d’Air New Zealand. L’Etat aide donc la compagnie nationale qui voit ses capacités réduites de 85%. La Corée du Sud, autre foyer important de la pandémie, a vu sa compagnie aérienne, Korean Airlines, mettre au sol 145 avions.Lire aussi : Coronavirus : Quels impacts sur les compagnies aériennes du Moyen-Orient et d’AfriqueEnfin, les majors du Golfe, je cite Emirates qui a décidé de suspendre l’immense majorité de ses opérations à compter du 25 mars (quelques pays restent desservis depuis Dubaï, à savoir les Etats-Unis, le Canada, Singapour, le Japon ou la Malaisie par exemple), Qatar ou Etihad auront des aides massives des Etats pétroliers d’où elles opèrent des centaines d’avions.Flotte mondiale : L’Airbus A380 en première ligneL’Airbus A380 très apprécié des passagers, l’est beaucoup moins des financiers. L’avion est difficile à remplir, très cher en exploitation mais aussi en maintenance. Seule Emirates a su trouver la combinaison idéale, bien aidée, il faut l’avouer, par un prix du baril ultra compétitif.Il n’est donc nul surprenant de voir que des grandes compagnies, comme l’allemande Lufthansa ou l’australienne Qantas, décider de mettre au sol pendant plusieurs mois ces avions, avant les autres. Korean Airlines s’est empressée de prendre une décision similaire.Quant à Air France, sa direction avait d’ores et déjà annoncé l’intention d’arrêter l’exploitation de cet avion en 2021. A l’heure où ces lignes sont transcrites, la compagnie s’apprête à mettre au sol l’ensemble de ses A380.KLM, la compagnie sœur d’Air France et basée à Amsterdam Schipol, a décidé de sortir les Boeing 747-400 de sa flotte à fin mars, soit plus d’un an en avance sur le programme initial, la crise accélérant son départ à la retraite.Covid 19 : un impact sur les compagnies aériennes, mais pas queGrise mine à Toulouse. 0 commandes d’avions en février 2020. Après avoir enregistré 274 commandes en janvier, l’avionneur européen Airbus commence à ressentir le lourd impact du Covid-19.Du coté de Seattle, base de Boeing, ce n’est guère plus vert. Déjà grandement impacté par la crise du 737 Max, Boeing enregistre de moins en moins de commandes. La dernière vient du Japon, où les vendeurs et ingénieurs de la firme américaine ont réussi à vendre 15 Boeing 787 Dreamliner à ANA (All Nippon Airways)Au-delà des compagnies aériennes, c’est tout l’écosystème de l’aviation qui est touché. Que ce soit pour les aéroports, les fournisseurs de pièces de rechanges ou encore les organismes de maintenances MRO (Maintenance, Repair, Overhaul), l’impact sera loin d’être négligeable et les répercussions difficiles à chiffrer pour le moment.Et maintenant ?IATA recense plus de 420.000 annulations de vols d’ici fin juin 2020.En résumé, les conséquences directes et indirectes de ce virus sont loin d’être maîtrisées. La situation est inédite. Le monde aéronautique a déjà connu des chamboulements, comme celui de 2001 après les attaques de septembre 2001. Plusieurs compagnies ont cessé de voler, à l’image de Swissair ou de la belge Sabena.Aujourd’hui, cette crise sanitaire planétaire est encore opaque. Nous ne maîtrisons ni la durée des immobilisations, ni les changements des décisions étatiques, eux mêmes soumis aux décisions du corps scientifique et médical. La fermeture progressive des frontières présage malheureusement un avenir complexe sur le court terme car cela gèle toute possibilité de voyager.Une chose est certaine : le Covid-19 risque de changer en profondeur le monde aérien.En attendant, respectons tous ensemble les prérogatives gouvernementales, là où nous nous trouvons, pour passer ces turbulences. Souvenons-nous, tous ensemble, que le soleil est toujours visible après la couche de nuage.Nasser Skalli HousseiniVice-président dans un groupe de maintenance aéronautique, Nasser est responsable de la zone Afrique/Moyen Orient et gère 65 compagnies aériennes de cette région. Passionné depuis son plus jeune âge, il a créé un groupe d’amateurs d’aéronautique au Maroc qui rassemble aujourd’hui plus de 48.000 membres