Dans le tumulte des allées du Festival du Livre de Paris, un roman discret mais incandescent a fait son apparition parmi les grandes voix attendues de cette édition 2025. Porté par la jeune maison d’édition Le Soupirail dans sa nouvelle collection « Le secret des comètes », Le Baigneur de Souleiman Berrada s’impose comme une révélation poétique, sensuelle et troublante.
Originaire de Tanger et diplômé en littérature française, Berrada, à tout juste 24 ans, fait le pari d’un huis clos brûlant de douceur et de tension, situé dans un hammam de Fès. Ce premier roman, court mais dense (124 pages), est tout sauf un simple récit d’apprentissage. C’est une ode au corps, à l’éveil des sens, à la découverte du désir masculin dans un espace suspendu hors du monde, hors du temps.
Le texte, écrit avec une rare délicatesse, convoque l’imaginaire orientaliste sans jamais sombrer dans le cliché. Il en épouse les contours pour mieux les réinterpréter, dans un style presque tactile, où l’eau devient miroir, les corps deviennent lignes mouvantes et la lumière, source d’émoi. Le narrateur, adolescent en pleine mue, explore en silence les bouleversements intérieurs que suscite la présence d’un autre garçon, Ismaël, figure évanescente du désir.
Ce qui frappe dans Le Baigneur, c’est cette capacité à dire le trouble sans lourdeur, à écrire l’érotisme sans exhibition. Le lecteur est happé dans un monde où chaque goutte d’eau, chaque effluve de savon, chaque murmure devient vecteur de poésie sensuelle. Souleiman Berrada y signe un texte d’une maturité étonnante, qui résonne bien au-delà de la sphère intime.
Lancé au cœur d’un festival dont le Maroc était l’invité d’honneur, le roman s’inscrit aussi dans un élan générationnel. Celui d’une jeunesse marocaine cultivée, audacieuse, qui revendique le droit de raconter ses désirs, ses fantasmes, ses frontières. Dans un monde encore trop frileux face à la représentation des amours masculines, ce texte fait figure d’acte de courage littéraire, sans jamais verser dans le manifeste.
Avec Le Baigneur, Souleiman Berrada entre en littérature par la grande porte, et il y a fort à parier que son nom reviendra souvent dans les années à venir.