Des pantins, déformés, l’air abattu. Ils n’osent presque pas rencontrer le regard censeur/désapprobateur de celui qui les observe et constate leur renoncement.
On distingue dans leur expression inspirant la pitié un parfum de culpabilité, car ils se sont sciemment laissé glisser dans cette fatalité, acceptant de se laisser guider par cette entité, sachant néanmoins l’absurdité d’un tel dessein.
Ils se résolvent, par confort ou paresse, à suivre ce modèle bien que leur différence de nature compromette l’opportunité d’une telle destinée, les livrant sans doute à une succession d’échecs et de frustrations. Mais surtout, une destinée qui refuse la découverte de leur être et les éloigne de leur individualité, de leur épanouissement.
Dans cette série initiale, Mo Mouhie nous dévoile la thématique du travail qu’il entame ici et poursuivra sur plusieurs séries: la quête de soi, du moi.
Cette réflexion identitaire est mise en scène dans le rapport de dualité entre ces personnages chétifs, ces pantins qui symbolisent la fragilité humaine face à un modèle herculéen, sans visage, personnifiant les attentes sociales et leur emprise.
Cette relation d’influence suggérée par les postures puissantes et athlétiques de l’abstraction face au regard résigné des marionnettes, illustre les conflits internes impulsés par la pression sociale qui impose une conformité contraire à nos aspirations les plus profondes, créant un mal-être abyssal.
Cette première série incarne la genèse du travail introspectif qui questionne les normes sociales et leur cohérence dans la projection du soi.
L’utilisation du papier journal pour modeler l’abstraction est très symbolique. Elle renvoie au média, véhicule de la pression sociale, qui façonne, influence et conditionne l’opinion de son audience.
L’allusion théâtrale des fonds utilisés renforce la métaphore de la société comme spectacle absurde où les individus se perdent.
L’observateur, condamnant la faiblesse des personnages, ne peut s’empêcher de ressentir une profonde empathie pour eux. Le paradoxe fait écho au dilemme de chacun face à la conformité sociale.
L’artiste dépeint ainsi sa propre lutte entre aspirations personnelles et réalités sociales.
Considéré encore par une partie de l’opinion comme un choix fantaisiste, manquant de sérieux, un loisir dont il est utopique de penser pouvoir vivre, certains artistes doivent transiger et se conformer aux exigences sociales avant de pouvoir vivre de leur art. Une frustration destructrice.
Né en 1991 à Casablanca, Mo Mouhie découvre la peinture comme exutoire dès son plus jeune âge. Animé par une quête intérieure incessante, l’artiste, désormais établi à Toronto, a forgé son chemin entre les arômes envoûtants et les coutumes du Maroc, terre de son enfance et de son éveil, et les États-Unis, où il a puisé une inspiration créative sans limites. Vacillant entre désir de fuite et besoin d’ancrage, sa peinture manifeste les tiraillements qui l’habitent et l’entourent. À travers cette première série, Mo Mouhie exprime avec subtilité les tensions entre individualité et conformité, offrant une méditation poignante sur la condition humaine.