Capturer l’âme d’une ville n’est pas chose facile. Pourtant, le photographe tangérois Mohammed Ben Yekhlef y parvient avec une tendresse désarmante. Né en 1998 à Tanger, il grandit dans un environnement riche d’histoires, de contrastes et de couleurs. Cette matière première, il la transforme aujourd’hui en images sincères et poétiques, qui figent l’éphémère et rendent hommage à la beauté discrète du quotidien.
Formé à l’École nationale des beaux-arts de Mohammedia, Ben Yekhlef a d’abord dessiné à l’encre avant de s’orienter vers la photographie. Un cheminement presque organique, tant son regard semble naturellement attiré par les détails simples mais évocateurs : un vendeur de fleurs assis à l’ombre d’une ruelle, deux amis partageant un verre de thé face à l’Atlantique, une lumière qui caresse la pierre d’un mur ancien. Chaque cliché raconte une histoire, ou plutôt, un silence habité.
Tanger, c’est sa muse. Il la décrit comme un carrefour vibrant entre traditions et mouvements, où l’ancien et le contemporain se croisent sans jamais se heurter. Il trouve dans la médina et la kasbah une poésie visuelle faite de ruelles étroites, de murs écaillés et d’une palette de couleurs vivantes. Mais c’est au Café Hafa, ce lieu mythique qui surplombe la mer, qu’il ancre ses souvenirs les plus intimes. Là où son père lui a pris sa première photo, là où le temps semble suspendu et l’horizon s’étire jusqu’à l’Espagne.
À travers ses images, Ben Yekhlef revendique une esthétique de l’authenticité, loin du clinquant. Il photographie sans mise en scène, laissant la vie suivre son cours. Ce parti pris confère à son œuvre une forme de dignité rare, un hommage silencieux aux habitants, à leurs gestes, à leur présence. « Tangier has this energy, a place where people come and go, but it never loses its soul », dit-il. Une déclaration d’amour à une ville dont il révèle l’âme, photo après photo.
Depuis 2022, il immortalise Tanger avec un appareil photo acquis après avoir longtemps utilisé son téléphone. En août 2024, il présente sa première exposition solo, un moment charnière pour cet artiste de l’intime. Mais au fond, Mohammed Ben Yekhlef ne cherche pas la reconnaissance. Il cherche la vérité de l’instant. Et cette quête, aussi discrète soit-elle, résonne puissamment chez ceux qui prennent le temps de regarder.
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