Aux quatre coins du globe, des milliers de personnes ont bravé la pandémie de Covid-19 ces derniers jours pour scander leur ras-le-bol contre les brutalités policières et plus largement contre le racisme qui ne cesse malheureusement de gagner du terrain dans nos sociétés modernes. C’est à croire que les nombreux discours de sensibilisation et autres engagements de tous bords contre ce phénomène depuis ces cinquante dernières années n’ont pas vraiment eu la portée escomptée.
Depuis plus d’une dizaine de jours suite à la mort de George Floyd lors de son interpellation musclée par la police à Minneapolis, la colère et les manifestations de la population pour exprimer leur ras-le-bol du racisme et des brutalités policières ne désemplissent pas dans de nombreux pays de la planète. Une affaire tragique, celle de Georges Floyd, qui n’est pas sans rappeler celle d’Adama Traoré en France dont l’arrestation, elle aussi brutale, a entraîné sa mort courant 2016 et fait actuellement l’objet d’une bataille judiciaire d’experts.
Que ce soit en Angleterre, en Australie ou encore en Italie, les manifestants ont passé outre les appels des autorités à rester chez soi en raison de la crise sanitaire pour battre le pavé et exprimer leur ras-le-bol du racisme et des brutalités policières. Ainsi à Rome, une manifestation a réuni sur la vaste «Piazza del Popolo» des milliers de jeunes qui se sont agenouillés en silence, le poing levé. Un hommage qui a duré neuf minutes, précisément le temps pendant lequel ce policier a appuyé son genou sur le cou de George Floyd jusqu’à provoquer sa mort. Et en se relevant, les manifestants ont crié : «je ne peux pas respirer», comme l’a maintes fois répété Floyd à ce policier.
Le moins que l’on puisse, c’est que pareil mise à mort d’un individu en pleine place publique, et fort heureusement filmée par un passant, ne s’est jamais produit dans le Royaume.
Toujours est-il que les dés sont jetés. L’affaire Floyd a réellement fait boule de neige dans de nombreux pays ; en plus de mettre en relief les brutalités policières envers les gens de couleurs, elle a permis de révéler au grand jour que le racisme gangrène toujours nos sociétés.
Les personnalités mobilisées
Des protestations qui ont été relayées sur la toile via de nombreux hashtags #BlackLivesMatter et #BlackOutTuesday, et reprises par de nombreuses personnalités sur Twitter et Instagram dont l’ancien président des États-Unis Barack Obama ou encore la chanteuse Beyoncé. En effet, sur Instagram, elle encourage ses followers à signer des pétitions pour la justice via plusieurs plateformes comme Change.org, Color of Change, We Can’t Breathe et The National Association for the Advancement of Colored People (NAACP).
Et la liste des personnalités à avoir posté sur leur site personnel ou les réseaux sociaux des photos en hommage, exprimant leur tristesse et réclamant que justice soit faite est encore longue. La phrase « je ne peux pas respirer », entendue dans la vidéo du meurtre est devenue un cri de ralliement du mouvement Black Lives Matter (La Vie des Noirs compte.
L’industrie de la mode se mobilise
Outre l’industrie musicale qui avait décidé le 2 juin courant de se mettre en pause le temps d’une journée pour inciter à la réflexion sur les problèmes liés au racisme, d’autres secteurs, comme celui de la mode, se sont rallié à cette cause. À titre d’exemple, le groupe H&M a fermé une partie de ses magasins américains et a également annoncé qu’il verserait 500 000 dollars à plusieurs associations luttant pour la défense des droits civils dans le pays.
Fenty, la marque de la chanteuse Rihanna, a mis momentanément à l’arrêt ce même 2 juin sa ligne de lingerie Savage x Fenty, mais aussi sa ligne de beauté et de prêt-à-porter Fenty. La célèbre chanteuse écrivait sur sa page Instagram : «ce n’est pas un jour de congé, c’est une journée pour réfléchir et trouver les moyens pour initier de vrais changements». Quant au Groupe de luxe Kering qui détient les enseignes Gucci, Saint Laurent, Bottega Veneta, Balenciaga, Alexander McQueen, Brioni, Boucheron, Pomellato, Dodo, Qeelin, Ulysse Nardin, Girard-Perregaux et Kering Eyewear, il s’est, lui aussi engagé, à faire plusieurs donations aux associations de lutte contre le racisme.
United Colors of Benetton, des campagnes remarquables
Cette actualité brûlante que nous vivons depuis ces derniers jours et les prises de position qui en découlent pour faire reculer ce fléau (après le Covid-19) qu’est le racisme font penser irrémédiablement à une marque de prêt-à-porter italienne bien connue, en l’occurrence Benetton. Elle avait fait sensation durant les années 90 avec les fameuses campagnes publicitaires chocs du photographe Oliviero Toscani, comme celle dévoilant une femme de couleur noire donnant le sein à un enfant de couleur blanche. La marque qui avait innové à l’époque en choisissant un positionnement marketing axé sur la multiracialité.
De quoi transmettre des idéaux forts et dénoncer les inégalités existantes entre races.
Certes, critiqué pour ses campagnes-chocs, la marque italienne chère à par Luciano Benetton a su se forger image bien à elle : celle d’une entreprise humaine, qui défend des principes fondateurs, liés notamment au racisme et qui aspire à un monde meilleur. Et il faut dire qu’en matière de campagne publicitaire choc, Benetton est allé très loin, au point de provoquer de graves remous au sein de l’opinion publique. On se souvient de cette campagne publicitaire où les principaux dirigeants politiques et chefs religieux du monde entier s’embrassent, à la faveur d’un photo-montage soigné. Parmi ces baisers appuyés, on voyait le président américain Barack Obama et son homologue chinois Hu Jintao, le pape Benoît XVI et l’imam de la mosquée Al-Azhar du Caire Mohamed Ahmed al-Tayeb ou encore la chef du gouvernement allemand Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy.
Nike et Adidas à l’unisson
Les équipementiers spécialisés dans la fabrication d’articles de sport y sont allés également de leur soutien s’agissant de l’affaire Floyd. Nike a détourne détourné son propre slogan «Just Do It», modifiant en «Don’t Do It» dans un récent spot publicitaire. Son concurrent Adidas a retweeté le message avec ces mots : «ensemble nous allons de l’avant. Ensemble nous changeons des choses».
Faut-il souligner que Nike est un habitué des campagnes publicitaires engagées. En 2018, il avait indiqué avoir atteint un niveau «record» d’adhésion des consommateurs après avoir diffusé des annonces utilisant le visage du joueur de football américain Colin Kaepernick, connu pour avoir protesté contre les violences racistes. On se souvient que ce joueur avait décidé de mettre un genou à terre pendant l’hymne national avant les rencontres de la National Football League aux States pour dénoncer les violences policières racistes, un geste imité ensuite par plusieurs autres joueurs.
Pour autant, cette crise va-t-elle provoquer des changements en profondeur, notamment au sein de la police américaine ? Wait and see ! «On ne peut pas lutter contre le racisme si on ne commence pas à reconnaître qu’il y a du racisme», laissent sous-entendre les pancartes de nombreux manifestants à travers la planète défilant pour la bonne cause. Souhaitons que cela soit le cas justement, que le monde puisse devenir meilleur et que, tant cette pandémie de Covid-19 que ses événements tragiques liés au racisme, puissent servir une bonne fois pour toutes d’électrochoc à une société hélas comateuse bien souvent.