Lorsque je suis née, je ne t’avais pas choisi. Je t’ai découvert en grandissant. Parfois, tu me décevais, d’autre fois, tu créais chez moi cette incompréhension, comme un jeune adolescent rebelle, qui souhaiterait s’affranchir de l’autorité de son père.
Des fois encore, je contemplais tes traits, ton corps tout entier, de Tanger à Lagouira. J’y repérais des choses extraordinaires, une lumière si spéciale sur ton visage ridé, des nuits étoilées chargées en épices et en phéromones, tu as bercé mes jours et mes nuits.
Je t’ai aimé, passionnément, lorsque tes routes sont devenues plus grandes, tes ponts plus nombreux, que la femme a pris une place plus claire dans la famille. Je t’ai aimé lorsque tu as clamé ton africanité, lorsque tu as affirmé ta fierté, lorsque tes enfants ont porté haut ton drapeau à travers le monde et dans toutes les sphères.
Je t’ai aimé. Violemment. Et j’étais en colère, toi qui pouvais faire tellement et qui ne fournissais aucun effort, toi qui trichais parfois, toi qui étais analphabète, toi qui continuais à vivoter au lieu d’exceller.
Et un beau jour du mois de mars, le monde s’est arrêté de tourner. La terre a continué son chemin, mais… sans nous. Elle a crié pour que nous soyons enfin responsables, que nous ouvrions les yeux. Et je t’ai retrouvé.
J’ai scandé ton hymne, chaque soir, pour te montrer mon amour inconditionnel. J’ai vu comment tu avais protégé tes enfants. Tu es descendu dans la rue avec des mégaphones, et tu as crié, pour que chacun entre chez lui.
Tu as érigé, envers et contre tous, un temple triomphant construit par un élan de solidarité sans pareil. Tu nous as rappelé que nous étions une seule famille unie, tu nous as demandé de t’aider, comme le feraient les personnes du même sang.
Nous nous sommes soutenus, nous avons ensemble fait face à la crise. Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir, probablement avec une joue écorchée, un bras abîmé ou une jambe estropiée, mais le cœur vaillant, empli d’espoir. Car aujourd’hui, nous savons. Nous savons que TOUT est possible.
Je suis heureuse de te retrouver. Tu m’avais manqué.
Allah
Al Watane
Al Malik