Abderrahmane Youssoufi n’est plus. L’instant que craignaient ses proches depuis un moment, parce qu’il était fatigué, est arrivé. Mais il restera dans l’histoire et pour toujours et pas uniquement parce qu’il a mené l’alternance consensuelle.
Abderrahmane Youssoufi s’est engagé très jeune au sein du parti de l’Istiqlal. Il a fait partie des toutes premières cellules de la résistance et de l’armée de libération, ce qui lui valut le titre du Grand Moujahid. A l’indépendance, il dirige le parti dans la zone Nord et va jouer un rôle essentiel dans la préparation de la scission qui a créé l’UNFP.
Proche de Basri, le Fkih pas le flic, il est obligé de prendre le chemin de l’exil, dès le début des années 60. Il milite au sein de la Fédération Internationale des droits de l’homme, préside l’association des avocats arabes.
En 1975, il adresse un message au congrès extraordinaire de l’USFP soutenant l’option démocratique et dénonçant l’aventurisme.
Il ne rentrera que quelques années après pour seconder Abderrahim Bouabid avant de lui succéder à sa mort, en tant que premier secrétaire. C’est à ce titre qu’il négociera et conduira l’alternance consensuelle, compromis qui a permis au Maroc d’accélérer la construction démocratique.
Notre disparu avait les qualités d’un homme d’Etat. Il avait le courage de ses positions qui étaient exclusivement motivées par l’intérêt du pays. L’homme était très fidèle en amitié, lien qu’il n’accordait pas facilement. Il y a encore quelques mois, il a assisté à un événement en souvenir de son ami El Ouadie Assafi et de sa femme Touria Sekkat.
Si Abderrahmane était aussi très économe en paroles. Il préférait écouter les uns et les autres avant de se faire une opinion de s’y tenir, car il était pratiquement impossible de lui faire changer d’avis, ce qui relevait de la force de caractère et non pas d’un quelconque narcissisme.
Si Abderrahmane n’est plus, mais il restera dans l’histoire parce qu’il en a été un des plus importants acteurs. Il n’a jamais eu d’intérêt pour autre chose que la politique dans le sens noble du terme. Pendant 96 ans, il a servi son pays, sans jamais se soucier de son bien-être. Son héritage moral est colossal, mais il ne lègue pas de patrimoine parce qu’il n’en a jamais constitué. Son patrimoine c’est le respect des marocains.