Quelqu’un m’a dit l’autre jour, que «faire du théâtre (en parlant de la vie dans la société), c’est mentir un peu. Le minimum est d’être un peu crédible». Autrement dit, il faut savoir un peu protéger ses arrières pour aller de l’avant. Dans une société où l’hypocrisie, les non-dits, les petits conciliabules de petits spectres font office de credo moral, c’est aussi le minimum syndical, comme dirait l’autre. Ce même quelqu’un, très enclin aux saillis et autres calembours, me sort tout de go que dès que l’été pointe du nez, ça devient comme dans la montagne, mais pas chez nous, ailleurs, précise le bougre : «les tarifs de tout grimpent avec l’altitude ». Je lui fais remarquer que la saison estivale, peut-être à cause des fluctuations en hausse des thermomètres humains, qui dictent le pouls de chacun, fait basculer de nombreuses personnes vers ce besoin atavique de farniente, même pour ceux qui n’ont rien fait durant les trois autres saisons de l’année. Et que le farniente coûte cher.
Il rétorque que le singe savant que l’homme a toujours été, passe aujourd’hui maître dans l’art de tout réduire à un congé payé. Je me dis alors que les gens pour la plupart, finissent par devenir ce qu’ils n’ont jamais prévu de devenir, en plus sans jamais savoir comment. Trimer onze mois, pour dormir le douzième, quel triste spectacle! Mais c’est un peu cela l’homme moderne. Non seulement il perd sa vie à s’obstiner prétendre la gagner, mais il se saigne à blanc, lui qui est déjà exsangue, pour se payer cette parenthèse nommée vacances, qui peut être aussi synonyme de vide. Cela dépend, du point et de l’angle de vue, qui ne sont pas les mêmes. Pire, mon ami me dit que pour certains, finir de se reposer les fatigue. Va comprendre quelque chose à cette histoire. «Oui, tu dors durant quatre semaines, tu bois, tu manges, tu baises, tu te dores au soleil et tu dors sous le soleil aussi, et au final, tu as besoin d’un congé pour te reposer de celui que tu viens d’achever.» Avouez qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
Mon ami reste sur sa lancée et veut me couvrir de conseils sur le comment du pourquoi de la vie en société. Je lui dis que quand les gens donnent des conseils, en général, ils parlent à eux-mêmes. Il a pris le temps de la digérer celle-ci. Pour certains d’entre nous, les rapports aux autres sont si simples que si tu étais en train de te noyer, ils sont capables de te jeter une enclume dans les bras. C’est leur façon de participer à ta chute. Moi, je dis que quand on joue à être un homme, il faut aussi le payer en homme, petit. Peu importe le leste qu’on nous jette. Il lâche ce bout et essaie de me prendre par un autre. La discussion embraye sur les femmes. Pour mon ami : « un homme et une femme se séparent toujours pour la même raison : la réalité.» Je trouve que c’est juste. Et j’ajoute même que dans cette relation très délicate entre homme et femme, le pardon n’existe pas, les gens ont juste la mémoire courte et c’est cela la réalité dont parle l’ami.
On le sait tous, les femmes sont beaucoup plus profondes que les hommes, que je lui dis. C’est peut-être pour cette raison que ça ne marche jamais et que la plupart font semblant, rafistolent leurs vies de couple pour ajourner les éclats. Il prend le temps de préparer sa réponse et il dégoupille. «Plus c’est gros, plus ça passe, comme dirait DSK. Comme on sait tous que ce n’est pas le texte qui est drôle, mais c‘est tout ce qu’il y a autour. Comme la vie quoi !» Et il me dit qu’il cède à l’envie pressante d’aller prendre un verre. Pour ma part, je trouve difficile de faire confiance aux propos de quelqu’un qui a du mal à résister face à une bière…