On va y aller franco. Sans détours. On va régler quelques contentieux avec une société qui ne tourne pas rond. Nous vivons dans un climat social pour le moins étrange. Pour ne pas donner dans la noirceur complète, je vais juste dire que les Marocains sont une catégorie humaine à part. Il faut une série illimitée de codes pour cohabiter. Je ne dis pas vivre, juste être avec les gens, être à côté d’eux. Parce que tu auras beau éviter le contact, fuir les frottements, refuser les accointances de bas étage, tu es pris au dépourvu. On t’attaque. On te discrédite. On te calomnie. On casse beaucoup de mauvais sucre sur ton dos. On te taille des costards. On tente par tous les moyens de te couper l’herbe sous les pieds. Dans ce cas de figure, quand il s’agit de vouloir ruiner la vie des autres, quand il est question de leur faire du mal, les Marocains passent pour des champions toutes catégories humaines confondues. Ils excellent dans la magouille. Ils perfectionnent le mensonge. Ils peaufinent leurs inventions pour grossir la rumeur et lui donner du corps. Et celle-ci vogue, court, enfle et entache tout et finit par coller à la peau des cibles comme une malédiction, servie par un chaman fou, concoctée par un sorcier minable et sans règles, mijotée par un illuminé crasseux à la ciboulette détraquée. Et c’est là que tu trinques, mon pote. Comme on dit chez nous, et la phrase prend ici tout son sens : «Tu ne sais jamais d’où tu reçois le coup !». Tu auras beau chercher, te creuser les méninges pour démêler le trop plein de faux pour apercevoir un filet de vrai, tu ne trouveras que dalle ! Oualou. Néant. Nada. Le coup s’est déjà abattu, et c’est à toi que revient le grand luxe de faire le bilan des dégâts dans ta vie. Tu ne sais pas ce qui t’arrive ? C’est juste une connaissance qui t’a smatché. Juste un ami qui te veut du bien et qui balaie d’un mensonge crade tous tes beaux projets. Juste une ex- qui n’a pas encore bien digéré que tu te sois cassé et qui dit à toutes les femmes du monde: «C’est un salaud, il m’a sautée et il est parti». Ah bon ? Pourquoi, tu pensais qu’il allait rester ? Dans la vie, les gens ça vient et ça s’en va. Puis, un jour, certains -ou au moins un- finit par rester. Encore faut-il qu’il soit le bon ou qu’elle soit la bonne. Mais non! Aucune logique. Aucune réflexion. Aucune rationalité. Les seuls sentiments valables sont simples et basiques : Aigreur. Rancœur. Ressentiment. Haine viscérale. Jalousie morbide. Et tu chemines avec un bataillon de haineux qui te collent aux pompes.
Ceci a un nom : la vie. Sauf qu’au Maroc, cela prend des proportions terribles. On dirait des guerres ouvertes. Tout le monde veut achever tout le monde. Madame, ne me souris pas. Ne me dis pas bonjour. Ne me flatte pas avec des compliments mielleux qui sentent la naphtaline. Juste fous-moi la paix. Ne parle pas de moi. Ignore mon existence comme j’ignore la tienne. C’est simple, machin-chose, à défaut de boxer dans la même catégorie que certains, tu rampes comme une limace et tu nous éclabousses avec ta bile visqueuse. Tu donnes dans le boniment. Tu fraies avec la fange. Et tu idolâtres les minus de ton espèce.
Que l’on soit clair, chère lectrice, cher lecteur, vous avez déjà vécu tout ce dont je parle. Au moins une fois. Vous avez été face à la ringardise d’une copine qui vous envie votre contour du visage. Un ami qui tremble quand vous vous mettez à parler. Un autre qui refuse votre vivacité d’esprit, votre sens inné de la percussion dans une société qui a un sérieux problème avec les électrons libres. Une société qui n’aime pas les individus libres et solitaires. Une société qui s’apparente à un conglomérat de pièces semblables qui ont une sainte peur de l’intelligence. Au final, si tu veux la paix –et encore c’est loin d’être garanti- il ne faut rien faire. Il faut tout échouer. Ne jamais réussir un projet. Ne pas aller de l’avant. Ne rien construire. Ne rien produire. Juste regarder l’éclatant spectacle des autres se foutant de ta gueule parce qu’ils t’ont atteint et t’ont coupé les ailes. Eh oui, parce que nous sommes dans une société qui livre une cabale noire aux aigles et adore les poules mouillées. Mais quand tu es issu des carnassiers rapaces qui domptent les airs, tu jettes un regard de mépris à cette basse cour qui regimbe et picore les restes d’autres porcs domptés et marchant à la queue-leu-leu. Moralité de cette histoire : quand tu vis dans un univers de tard-venus, fais ta route et aucun regard pour les trainards. Ils seront toujours à l’affût, leurs pièges mesquins entre les mains, se léchant les babines avant que ta détermination ne leur éclate les mâchoires et libère tout le venin. Alors, marche. Vole très haut. Et n’hésite jamais à régler des comptes, quand il le faut. Amen.