Un monde d’apparences

by Abdelhak Najib

Tout le monde veut son quart d’heure de gloire. Mais pas n’importe quel quart d’heure. Non, celui qui revient souvent, qui s’accumule en plusieurs quarts, qui finiront par devenir addiction. La vie de milliards d’humains tourne autour d’un selfie, une pose, un filtre à poser sur la tête, faire la moue et saisir l’instant. Puis on poste sur les réseaux sociaux et on attend les « likes » et autres commentaires, à coups d’émoticônes devenus du coup un langage à part entière. Je vous passe l’indigence de la langue et la mort finalisée de toute forme correcte d’expressions. Le pire, c’est la réaction des uns et des autres, partout dans le monde. On glorifie la bêtise. On salue la stupidité. On porte aux nues la médiocrité. Tu peux partager avec tes amis, la dernière découverte médicale capable de sauver des millions de personnes : 10 likes. Tu Postes une image d’horreur, une paire de fesses, une vidéo débile : des milliers de vues et de commentaires. Ce dictat est devenu le moteur de presque tout ce qui se passe sur la toile et les réseaux de partage. En dehors de cela, la vie réelle, dans ce qu’elle a de plus concret, n’a plus droit de cité, ou alors juste comme un intermède entre deux surfs sur le Net, un balayage sur Instagram et une bonne séance de voyeurisme sur Facebook.

Le même dictat moderne qui fait que des gens qui ne foutent rien, qui n’ont jamais rien fait, qui ne feront probablement jamais rien, sauf montrer un cul refait, des lèvres retouchées, faisant la pub pour un produit dans une mercantilisation bâtarde des rapports entre humains, sont aujourd’hui adulés, portés aux nues, célébrés comme des guides spirituels. Imaginez l’impact d’une Kardashian sur la vie de milliards de personnes ! Nabila et ses conneries calculées pour faire de l’audience, Amber Rose et son derrière… pour ne citer que quelques célébrités qui règlent la vie des autres. On les suit, on s’inspire de leurs modèles! Oui, elles sont des modèles pour des millions de femmes. A coté de cela, la femme péruvienne qui sauve des tribus entières de la famine. On s’en fout. La chercheuse indienne qui lutte contre les OGM, on s’en balance. L’astrophysicienne allemande, connaît pas. L’écrivaine suédoise… connaît pas non plus. La militante birmane, qui s’en soucie !

   

Et va comme ça pour des millions d’autres personnes dans ce monde de dingues, qui font bouger l’humanité, qui sauvent des vies, proposent de grandes solutions pour le cancer, le sida et Alzheimer, des chercheurs qui inventent de nouvelles alternatives pour réduire la famine, économiser l’eau, éduquer les enfants… Ces personnes on les ignore. On ne veut pas les connaître. Elles sont sérieuses. Elles ne nous vendent pas du pipeau. Ne nous racontent pas des conneries. Ne se paient pas nos têtes de débiles patentés en quête de n’importe quelle bêtise pour s’y accrocher et en faire le sujet de la journée. Sommes-nous si indigents ? Si désespérés pour rythmer nos pauvres vies sur le dernier maquillage de telle nana, son dernier passage sous le bistouri d’une remodeleur de formes ? Sommes-nous si vains et insignifiants pour ne plus faire la différence entre ce qui vaut la peine d’être vu, ce qui doit être suivi, ce qui doit nous inciter à vivre au plus près de la vie, dans ce qu’elle a de tranchant, de vivace, de vrai, de palpable et viscéral ? Pour ma part, je ne mise pas une pièce d’un centime sur l’avenir de ce monde qui est déjà parti en vrille sans promesse aucune de retour. Je ne prendrai pas un seul pari pour croire que demain sera meilleur pour une race humaine déjà foutue et dont les derniers foyers de résistance sont cernés de toutes parts par la bêtise, la connerie, les apparences, la superficialité et l’horreur.

   

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