«Le grand écrivain Gilbert Sinoué a été reçu par l’espace d’art Artorium pour un dialogue avec l’écrivain et journaliste Abdelhak Najib. Une conférence sur le dernier livre de l’écrivain égyptien, intitulé : Averroès ou le secrétaire du diable. Par m.S.
Le grand écrivain Gilbert Sinoué, auteur entre autres, de «Inchallah», «Le livre de Saphir» ou encore «L’Egyptienne», a séjourné à Casablanca, le temps de présenter son dernier livre consacré à un grand nom de la philosophie islamique, Ibn Rochd. Dans le cadre d’une conférence qui a connu un immense succès, les aficionados des belles lettres et de l’esprit ont pu apprécier ce dialogue ponctué de rires et de bonne humeur entre Gilbert Sinoué et Abdelhak Najib, qui l’a présenté à l’espace d’art Artorium de la fondation TGCC. Un échange de belle facture autour de grandes thématiques telles que l’islam, la pensée arabe, la politique du monde, la question palestinienne, les relations entre l’Orient et l’Occident et surtout l’héritage du grand philosophe Averroès, sujet de cette belle rencontre. Averroès ou le secrétaire du diable c’est l’autobiographie romancée du plus grand penseur du monde musulman, Ibn Rochd, connu aussi sous son nom latinisé Averroès. Considéré comme subversif tant par l’Église que par les théologiens musulmans, il est traité en paria et contraint de fuir sa ville natale, Cordoue. Après avoir vécu dans la clandestinité et la pauvreté, il meurt à 72 ans, haï de tous, en exil à Marrakech. Une figure majeure de ce qu’on appelle communément l’âge d’or de la pensée arabe, au même titre que des noms comme Ibn Sina, Al Farabi, Al Kindi ou Ibn Al Haytam. Gilbert Sinoué nous livre ici un texte ficelé pour redécouvrir un philosophe qui a fait scandale, très controversé et dont l’héritage est de plus en plus vivace dans un monde arabe qui a besoin de revoir son histoire pour mieux lire son futur. Très vite, Gilbert Sinoué a mis tout le monde d’accord en citant le philosophe arabe :
« L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation ». Autant dire que cette phrase résume très justement l’état du monde où l’on vit aujourd’hui, partagé entre clivages, extrémismes de tous poils et haine de part et d’autre. La conférence a aussi mis l’accent sur le rôle que doivent jouer les penseurs et intellectuels arabes aujourd’hui dans un monde qui a besoin de plus d’engagement, de prise de risques et de courage pour combattre toutes les formes de rejet et de guerres larvées entre les cultures. Abdelhak Najib, l’écrivain, journaliste et présentateur-télé a lui, souligné l’importance de revenir avec plus d’objectivité sur la pensée multiple des grandes figures de la philosophie arabe. Un retour qui peut être synonyme de solde de tout compte des archaïsmes, des mauvaises interprétations et des dogmatismes meurtriers qui rongent la pensée arabe actuelle, vacillant entre rasage du mur et politique du consensus. D’ailleurs le livre de Gilbert Sinoué s’ouvre par ces belles paroles et surtout cette grande symbolique : « Venus des étoiles, descendent des parfums enivrants et résonnent des mélopées anciennes, tandis que, adossée aux remparts de la Ville rouge, la nuit parle à ma mémoire. Je suis venu comme l’eau. Je suis venu comme le vent. Bientôt, l’aube lancera dans la coupe des ténèbres la pierre qui fera s’envoler les étoiles. Qui suis-je ? ».
Cela fait écho à un autre beau passage, tiré de Avicenne ou la route d’Ispahan: «notre existence s’écoule en quelques jours. Elle passe comme le vent du désert. Aussi, tant qu’il te restera un souffle de vie, il y a deux jours dont il ne faudra jamais t’inquiéter : le jour qui n’est pas venu, et celui qui est passé…»
