Horizon Oblique, ouvrez l’horizon à Mahi Binebine !

by La Rédaction

Le 26 décembre, malgré les restrictions liées aux mesures sanitaires, Marrakech a vécu un semblant de déconfinement artistique au Comptoir des Mines galerie, avec la nouvelle exposition de Mahi Binebine, baptisée «Horizon Oblique». Dans l’ère du temps, l’exposition du mathématicien à la plume picturale pose les bonnes questions, tout en forçant à trouver les réponses en chacun de nous, ou en chacun de l’autre. Visite virtuelle.

Des silhouettes tourmentées, tantôt seules mais jamais livrées à elles-mêmes, en binôme comme pris par une envie irrésistible de s’adonner à une danse de corps perdus, d’accords retrouvés ou encore à plusieurs telle une chorégraphie de la tourmente. Ils semblent se soutenir pour ne pas tomber, se réconforter pour ne pas céder à l’incertitude, se soutenir face au chaos, se battre pour exister, lutter pour ne pas s’oublier. Ou tomber dans l’oubli. Des silhouettes, des surhommes fatigués ou sous hommes braves, des fantômes ou des êtres en chair et en os, des âmes en peine  ou des cœurs en joie, des rêves fantasmés ou des cauchemars bien réels, chers à Mahi Binebine dont la démarche artistique reste la même tout en étant résolument différente. Il y a un tournant dans les toiles de Binebine, peut-être lié au tournant que le monde vit depuis quelques mois. C’est pendant le confinement d’ailleurs, qu’est née cette nouvelle série, où le peintre écrivain se permet des couleurs et des hors champs. Les silhouettes se rebellent, sortent du cadre, se déconfinent. Mahi Binebine ose le rouge, le jeune, le bleu Majorelle, le verre pour souligner la fragilité du monde ou la transparence des sentiments. Le sans cadre pour sortir des conventions, pousser la réflexion plus loin, sortir de sa zone de confort. « Je n’ai jamais autant travaillé que pendant cette période de confinement. Il n’y avait plus de vols, plus de voyages, plus d’évènements. Rester chez moi était un réel plaisir, je me suis plongé dans le travail », confie ce travailleur acharné qui peint et écrit comme il respire pour aspirer à cet horizon. Un horizon oblique. Une exposition qui a tout l’air d’un acte de résistance puisqu’il s’agit du premier évènement de la Galerie Comptoir des Mines fermée depuis mars jusqu’à novembre. «Nous nous efforçons d’être dans la qualité, pandémie ou pas. Nous voulions faire quelque chose de grand. Cette exposition est à l’image de notre vision, ce pour quoi nous nous battons » explique le maitre des lieux, des murs, des valeurs de lieu : Hicham Daoudi.

   

Lignes rebelles

Et si le linéaire n’existait pas ? Et si l’horizon se rebellait. Mahi Binebine pose la question sans attendre de réponse. Dans un monde où rien ne va plus, la ligne rouge devient soudainement franchissable. On est happé par une réalité qui nous dépasse, par un puits sans fond, par un tableau qui en dit long sur une vie, une histoire, un vécu, un espoir. Même en temps de Corona, les corps de Binebine continuent à s’entremêler, les visages se touchent, sont près l’un de l’autre, sont souvent juxtaposés, les membres et les formes presque non identifiés tellement le corps ne fait qu’un, tout en étant tellement identifiable. Chaque geste est la continuité d’un mouvement. Chaque mouvement figé traduit une histoire. Des histoires, que l’on vit différemment à chacun des passages.  Un travail mathématique, d’une belle précision qui malgré la pandémie, continue à fantasmer sur le rapprochement, oubliant cette notion de distanciation qui va à l’encontre des valeurs humaines. Car l’humain est le propre de Mahi Binebine. L’humanité qui ressort des œuvres de l’artiste est à la fois touchante et évidente. Des tableaux percutants aux sculptures imposantes, les œuvres de l’enfant chéri de Marrakech sont des opérations à cœur ouvert, un regard critique sur le monde et ses incertitudes comme se questionner sur les religions dans un monde déchiré par l’incompréhension des écrits. Comme à son accoutumée, Mahi Binebine, se questionne et nous questionne avec des œuvres épidermiques et bienveillantes. Tel un roman, « Horizon Oblique » est une succession de chapitres imagés qui titillent les consciences. Huile et goudron sur papier, papier de soie sur papiers arches, huile sur bois, la façon de donner naissance à une image où une idée importe peu ou devient soudainement primordiale quand des « cannibales », « des fous du Roi », des « étoiles de Sidi Moumen », se bousculent dans la tête de Mahi Binebine pour prendre refuge dans un cadre. En sortir des fois. Peu importe l’horizon s’il est oblique, pourvu qu’il nous mène tout droit (ou pas) à la Rue du Pardon. 

   

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