Réda Kateb :  » L’éternel jeu des promesses politiques réside dans les promesses non tenues »

by La Rédaction

Les « Promesses » est un film réalisé par Thomas Kruithof où Reda Kateb donne la réplique à une maire dévouée et pugnace d’une ville pauvre, campée par Isabelle Huppert. L’acteur multi-dimensionel monte une autre facette de sa personnalité et de son talent en campant le rôle d’un fidèle bras droit, Yazid. Juste et intense. Rencontre avec un des plus grands acteurs de sa génération, en direct de la Mostra de Venise pour une interview politico poétique.

  1. On vous a rarement vu dans un tel rôle. Un rôle politique. Est-ce qu’on dit tout suite oui à un tel projet ?

Un très bon scénario, ça se repère tout de suite, très rapidement. C’était le cas, quand je l’ai reçu. J’avais vu aussi le dernier film de Thomas, la mécanique de l’ombre que j’avais beaucoup aimé. J’étais tombé dessus par hasard un jour, quand je glandais sur mon canapé, j’ai vu sur une plateforme. Je n’avais pas fait le lien tout de suite. Du coup un bon scénario, un film que j’avais déjà aimé. Ensuite je rencontre Thomas. En 1h, on s’est tapés dans la main, on s’est dit qu’on faisait le film ensemble. C’est vraiment subjectif un film.

   

2. Où est l’objectivité ?

Je n’avais jamais joué un personnage de politicien. Surtout bien écrit comme celui-là, avec beaucoup de couleurs à jouer. Quelque chose à la fois dans le costume, bon dans son travail mais qui porte en lui de différentes contradictions. Très dévoué et très méprisant. Quelque chose de multi dimensionnel. Et jouer avec Isabelle Huppert, une immense actrice, que j’admire depuis longtemps. Je sentais que nos chimies allaient bien se retrouver. 

3. Jouer un personnage politique dans une époque instable politiquement, est-ce une pression supplémentaire ?

Il y a toujours une pression mais la pression principale c’est la justesse. On a la chance de raconter la vie des gens , en tout cas quand on fait un film quand l’action se passe à l’époque contemporaine, à 20 minutes de Paris aux allures de Tiers Monde. La justesse est la principale pression que l’on peut avoir. L’idée de ne pas trahir. De ne pas « objetiser » les gens. Dès l’écriture, la personnalité de Thomas, son rapport à l’équipe, de son humilité. J’ai su tout de suite qu’il était dédié au film et qu’il ne cherchait pas à se servir de ça pour briller. Après , ce que j’aime dans le film et je trouve que cela fait honneur aux gens dans la justesse, c’est qu’on n’est pas dans un angélisme des gens qui subissent la politique. On voit différentes strates dont celles des marchands de sommeil. A l’intérieur même de la misère, il y a un business de la misère. Dans cette cartographie, du sommet de l’Etat, jusqu’au plus démuni, les gens sont en mouvement. On est dans une vraie forme de cinéma, dans l’ordre du thriller.

4. Qu’est-ce que ce film vous a appris sur la politique ?

Le film propose un autre mouvement des lignes. on se rend bien compte que les choses ne sont pas aussi faciles. C’est complexe. Les deux personnages ne sont ni des héros ni des anti-héros. Ils sont à la fois héroïque et médiocres. Ils portent à la fois leur noblesse et leur pathétique. Ce que nous acteurs nous devons prendre en charge devient riche. Le film s’appelle les Promesses et l’éternel jeu des promesses politiques est quand même les promesses non tenues. Ce jeu de dupe est permanent, depuis la création de la démocratie dans la Grèce Antique. Ceux qui sont élus déçoivent forcément. Ce qui change dans ce film, c’est le contact permanent avec les gens. Cela change tout d’être dans une voiture avec cortège loin des gens, ou aller sur le terrain, dans des marchés. Je ne suis affilié à aucun parti politique mais j’ai du respect pour les gens des municipalités. Il y a quelque chose d’admirable et d’ingrat dans leurs tâches au quotidien.

   

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