Dans son dernier opus, Le réalisateur de talent, Nadav Lapid met une claque à la compétition avec le genou d’Ahed. Un film radical mais efficace où il ne fait aucun compromis. Critique.
Nadav Lapid est un des rares cinéastes du moment, de sa génération, qui n’a pas peur de choquer, de perdre des spectateurs en route, tant son agressivité peut déranger, ou mettre mal à l’aise. Pourtant le réalisateur de «Le Policier» et «Synonymes» interroge la politique de son pays, un état d’Israël qu’il trouve raciste et dictateur. Il n’y va pas de main morte, il se permet même de traiter le pays d’assassins dont la politique est dangereuse. Il ne le suggère même pas, il le dit, il le crie même. Tout est pointé du doigt : censure et la conscription en Israël. Une gouvernance qui, selon lui, «isole le pays dans le concert des nations».
Un film personnel
Nadav Lapid raconte un réalisateur qui vient présenter son film dans un village en plein désert, alors qu’il vient à peine de faire le deuil de sa mère. On ne peut s’empêcher de voir une similitude avec l’histoire personnel du réalisateur Israélien qui a déjà été primé à Berlin. La directrice de la Bibliothèque rattaché au Ministère de la Culture est heureuse de l’accueillir. Lui semble lui en vouloir de faire partie d’un système dans lequel il ne se reconnait pas. Un film dans le film et en même plusieurs histoires dont la référence à la militante Ahed Tamimi, la palestinienne qui a giflé un soldat israélien, dont il semble réadapter l’histoire au cinéma en cherchant le personnage d’Ahed en casting. Et puis il y a son histoire avec l’armée israélienne. Le tout pointe du doigt la politique du pays qui selon lui est contraire aux libertés individuelles. Il critique directement le système culturel, l’armé et l’histoire tumultueuse avec la Palestine. Le tout en un film expérimental. Puisque Nadav Lapid peut se le permettre. Il fait une proposition cinématographique des plus authentiques et oublie le linéaire ou la narration maitrisée de ses précédents opus. Pour ce film plus personnel, il est brut et radical. Puisqu’il ne peut pas faire autrement pour servir son propos. Pourtant il n’est pas brouillon. Au contraire. La mise en scène est maitrisée et le jeu d’acteur incroyable avec un Avshalom Pollak époustouflant. Le film est exigeant et sincère, il est le reflet d’un malaise d’une partie de la population qui n’est pas toujours d’accord avec la majorité. L’image d’une nostalgie d’un avant et le mépris de l’horreur de maintenant. Un film courageux qui ne repartira surement pas bredouille d’une compétition présidée par Spike Lee…