C’est grâce à l’essor des nouvelles technologies que l’économie collaborative devient un modèle de plus en plus fréquent. Internet aide à mettre en lien des sujets ayant des buts communs. L’image de la toile d’araignée qui grandit et développe des ramifications dans tous les sens est parfaite pour illustrer le pouvoir de ce média. On a demandé à Othman BEKKARI, fondateur de la startup GOMOBILE de nous donner son point de vue sur ce type de modèle économique au Maroc et de parler de son projet. par Nadia JACQUOT
Est-ce que, selon vous, l’économie collaborative est possible au Maroc et pour les Marocains ?
Le Marocain par essence et par culture est plus dans un esprit de troc que d’achat. C’est un bon client pour ce type d’économie. Le Marocain troque facilement. La notion d’économie collaborative est quelque chose d’ancré en lui sans qu’il s’en rende compte. L’échange de services est naturel pour le Marocain. Cependant, je pense que le Maroc n’est pas le pays idéal, mais pour des raisons de réglementation. Pas pour des raisons règlementaires au sens propre du terme, mais surtout dans la culture réglementaire. Au Maroc, on n’a pas encore pris le pas d’ouvrir aux innovations en général et en économie participative en particulier.
Croyez-vous que ce modèle économique peut être reconnu au Maroc ?
Ce n’est pas simple. Même dans les pays développés, on voit les problèmes que Uber rencontre en France ou aux Etats Unis. Je pense que c’est quelque chose qui fatalement, va se mettre en place et il y a vraiment un intérêt à se pencher vite sur la question pour éviter que ça aille vers le chaos. Il y a deux options : soit on laisse tout le monde faire ce qu’il veut et on tombe dans l’illégalité, soit on se penche dessus et on réfléchit comment notre système règlementaire peut évoluer pour accompagner les innovations tout en gardant une cohésion et une structuration nécessaire pour tenir ce système.
Ne craignez-vous pas que trop de législation tue la nature de l’économie collaborative ? S’il y a de nombreux freins réglementaires, ne pensez-vous pas que l’on va perdre le coté spontané ?
C’est justement ça la difficulté. Où trouver l’équilibre ? Trop de législation, l’entrepreneur, par défaut, joue avec la loi en quelque sorte. Il est dans la limite de la loi. Si on veut innover, on doit penser à quelque chose qui n’a jamais existé, qui parfois n’est pas encore prévu par loi. Soit on anticipe et on met des cadres souples, mais qui permettent un certain contrôle, soit on garde des lois très rigides et là, à un moment, il va falloir bloquer tout le monde et ça ne va pas pouvoir marcher. C’est une question d’équilibre.
Pensez-vous que ces géants Uber ou Airbnb ont un avenir au Maroc ?
Je n’ai vraiment pas d’inquiétude pour ces géants-là. Ils ont le poids suffisant. Pour les plus petits, c’est autre chose, surtout si on veut que quelque chose démarre ici au Maroc. Ça va être beaucoup plus compliqué. Il va y avoir, encore une fois et comme partout, des sacrifices. Des entreprises vont se lancer, être en marge de la loi et seront sacrifiées parce que la loi va devoir les fermer. J’espère seulement que cela va faire réfléchir le législateur. Je pense que ça passera par là. Certains vont être arrêtés dans leur élan, mais il faut espérer que des leçons vont être prises de ça pour permettre aux suivants de se développer.
Il faut peut-être aussi profiter de ces géants qui vont venir pour faire bouger la législation et on pourra peut-être se faufiler dans les trous qu’ils auront créés.
Avez-vous des exemples de système d’économie collaborative au Maroc ?
Dans la vie courante, au Maroc, on en voit partout. Celui qui va vendre son ancien téléphone portable dans un marché pour en acheter un nouveau. Dans le secteur rural, un camion qui passe et ramasse les personnes qu’il croise, et chacun lui donne 5dh pour l’indemniser. C’est déjà là, le terreau est là, sauf que ce n’est pas formalisé. De l’économie participative, il y en a partout au Maroc.
Parlez-nous maintenant de votre projet GOMOBILE qui est aussi un modèle d’économie participative ?
GOMOBILE est une startup qui a pour objectif de permettre à ceux qui n’ont pas accès à internet d’avoir du contenu qui est pertinent pour eux, via leur téléphonie mobile. Ils n’ont pas besoin de savoir lire ou écrire. Ce sont des appels téléphoniques qui leur énoncent à voix haute des contenus sur les sujets qui peuvent les intéresser : des conseils, de l’information, du divertissement…
Comment GOMOBILE s’insère dans l’économie collaborative ?
GOMOBILE met en présence plusieurs éco systèmes : les consommateurs de contenus et leurs créateurs qui peuvent être des organismes, des entreprises, des médias ou des personnes physiques. Des particuliers peuvent partager du contenu qu’ils ont ou un organisme étatique qui cherche à diffuser de l’information ou faire de la prévention. Les consommateurs ne paient pas pour avoir accès au contenu. Les particuliers qui diffusent du contenu, non plus. Par contre, il y a deux sortes de financeurs, soit ce sont des marques qui vont venir sponsoriser du contenu, par exemple, une recette de cuisine offerte par une marque, ou des organismes qui vont payer pour avoir leur propre chaîne pour diffuser leur contenu. C’est de l’économie collaborative parce que c’est du partage de contenu.