« On ne parle pas de chance en présence d’un homme qui s’est fait tout seul », écrivait le célèbre auteur américain E.B. White. On n’en parlera donc pas en présence d’Abdellatif Miraoui, né à Fkih Ben Salah (40 km de Béni Mellal), le 13 janvier 1962, au sein d’une famille démunie de la tribu de «Bni Amir». Il est le 5ème d’une fratrie qui compte neuf enfants.
Sa ténacité face à l’adversité a porté ses fruits et après une belle carrière d’enseignant chercheur en France, il a décidé en 2011 de retourner « au pays »,bien décidé à œuvrer dans le domaine de l’enseignement supérieur. Depuis mai 2013, il est le Président de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), qui regroupe 60 pays et 748 universités, et surtout depuis mai 2011, il est le Président de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech qui regroupe 14 établissements. Abdellatif Miraoui est l’exemple d’une réussite marquée par la détermination,un travail acharné, l’humilité et un dévouement sans faille à sa fonction.
Abdellatif Miraoui est nommé à la tête de l’Université Cadi Ayyad pour un 1er mandat en 2011 puis reconduit en 2015. A son arrivée, malgré quelques résistances liées à la crainte du changement, malgré quelques sceptiques qui doutaient des capacités d’une personne issue de la diaspora à diriger l’université, il a fait preuve de ténacité et a rapidement réussi à mener à bien un certain nombre de réformes.
En effet, L’Université Cadi Ayyad figure au TOP 15 des meilleures Universités en Afrique dès 2012. Elle se place dans le TOP 400 des universités mondiales en 2014, elle est également classée meilleure université au Maroc par THE’BRICS &Emerging Economies Rankings 2014, puis 59ème des meilleures jeunes universités sur 100 en 2015. Mais quel est le parcours de cet enfant du pays, comment est–il devenu cette personnalité (désormais incontournable) dans le paysage de l’enseignement supérieur marocain ?
On peut revenir sur une enfance certainement heureuse, mais vécue avec le strict minimum, une famille préoccupée avant tout par la réussite scolaire, estimant que celle-ci était la seule planche de salut. Alors on ne lésine pas sur les efforts, on est heureux lorsque le fils est accepté en internat au lycée« Al Kawarizmi »puis « Jaber BnouHayyane » »de Casablanca. Il obtient son Bac électrotechnique en 1981 et quitte le Maroc dès la rentrée suivante. En effet, sa mère bien qu’étant analphabète refuse que ce fils reste au pays pour travailler afin de contribuer aux charges de la famille comme le souhaiterait le père. Et elle met tout en œuvre pour réaliser ce dessein.L’objectif ultime : réussir ses études et aider la fratrie à faire de même.
En France, l’acclimatation est rude, le décalage immense, le dépaysement total. Le jeune bachelier doit s’adapter sur bien des plans, la question financière n’est pas anodine et chaque mois il fait parvenir la moitié de sa bourse à sa famille. Notre étudiant n’a pas oublié que l’entraide est une valeur essentielle.
Bravant les difficultés et les privations, gardant son objectif en tête et le souhait de sa mère dans le cœur, Abdellatif obtient, en 1992, son doctorat en sciences de l’ingénieur de l’Université de Franche-Comté, et en 1999, il est habilité à diriger des recherches. Commence alors sa grande aventure intellectuelle et académique.
Abdellatif Miraoui gravit les échelons un à un jusqu’aux plus prestigieux. C’est ainsi qu’il est nommé Professeur des Universités à l’Université de Technologie de Belfort Montbéliard (UTBM), Vice-Président de la Recherche de l’UTBM, Vice-Président Scientifique du Centre de Recherche en Electrotechnique et Electronique de Belfort (CREEBEL), expert au ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de Roumanie -ARACIS, Docteur Honoris Causa de l’Université de Cluj-Napoca- Roumanie, Chevalier de l’Ordre des Palmes Académiques – France, «Senior Member» de la société savante américaine IEEE, Lauréat du Mérite de l’Invention (Innovation pédagogique)– Bruxelles, etc.
En 2011, il ne résiste pas à l’appel du pays et s’attelle avec passion à la mission qu’on lui a confiée, à savoir diriger l’Université Cadi Ayyad de Marrakech.
A son arrivée, le nouveau Président est très vite confronté au problème de la massification, un problème que connaissent toutes les universités marocaines. Abdellatif Miraoui préfère, en abordant cette réalité,utiliser le terme arabe « iqbâl »qui, pour lui, a un sens de popularité, de succès et d’engouement des étudiants marocains pour l’université. Bien qu’il soit conscient de l’envergure du défi, cela ne l’empêche pas de voir d’un bon œil, l’enthousiasme et la détermination des jeunes marocains à vouloir poursuivre des études supérieures, pour lui « (hada ‘ers mashimendba) », (c’est une fête et non une jérémiade). Alors fraîchement installé, le Président a élaboré sa stratégie avec les parties prenantes de l’université et ils sont vite passés à l’action ensemble. Afin de gérer la massification, il a cherché non seulement les fonds nécessaires pour construire des locaux supplémentaires, mais aussi le foncier à même de permettre à l’université d’absorber le nombre croissant d’étudiants. Un terrain de 165 hectares dans la ville nouvelle de Tamansourt abritera dans un futur proche le plus grand campus universitaire du Maroc.
Sachant pertinemment que la construction des locaux ne résoudra pas à elle seule tout le problème, sachant également qu’il est nécessaire d’avoir recours à l’innovation pédagogique, Abdellatif Miraoui a opté pour un enseignement s’appuyant sur les MOOC, un outil qui s’est avéré être une véritable révolution du paradigme de l’enseignement supérieur et dont l’université Cadi Ayyad a été précurseur,ouvrant ainsi le chemin aux autres universités marocaines.
Physicien chercheur, Abdellatif Miraoui est conscient de la nécessité de remettre la recherche au centre des activités de l’université. « La recherche,avance-t-il permettra un transfert de l’université vers le monde socioéconomique, un transfert de lauréats bien formés, mais aussi un transfert des activités de recherche qui peuvent être déployées dans les entreprises sous forme de recherche et développement »
Dans ce sens, Abdellatif Miraoui considère qu’il est important et nécessaire que l’université ait sa cité de l’innovation. Il en a donc lancé la construction sur une surface de 5000 m², dont une surface bâtie de l’ordre de 1000 m². Elle regroupera les laboratoires de recherche, hébergera un incubateur d’entreprises, une pépinière, un centre de transfert, des plateformes technologiques, des bureaux pour entreprises, des services communs etc. Elle sera achevée en 2017. Selon le Président, la cité de l’innovation qui sera achevée en 2017 « permettra de mettre l’université dans le dispositif de connexion avec les partenaires socioéconomiques, mais aussi dans le circuit de la recherche nationale et internationale».
L’ouverture de l’université sur l’international (mobilité, échanges, publications, etc.) passe nécessairement par l’apprentissage et la maîtrise des langues dominantes,voilà l’intime conviction du Président Miraoui. Il est persuadé que l’avenir est aux langues, que le Français devrait être une seconde ou troisième langue maternelle, et que l’anglais est incontournable. A cet effet, dès la rentrée 2016/2017, des cours seront dispensés en anglais, pour qu’ensuite, des modules soient anglophones afin d’aboutir à la mise au point de filières entièrement en anglais. L’objectif de cette introduction progressive de la langue de Shakespeare est la création d’écoles où toutes les matières seront dispensées en anglais, à l’instar des business schools.
Par ailleurs, l’Université Cadi Ayyad ne peut ignorer ou négliger les problématiques universelles dont le climat et l’environnement constituent des sujets primordiaux. C’est ainsi que Miraoui a jugé urgent que l’université soit inscrite dans un cadre durable et qu’elle soit consciente de son rôle et des responsabilités qu’elle doit assumer face aux enjeux majeurs pour les décennies à venir, en s’engageant dans une démarche qui donne à son université une vocation sociale et sociétale. Tel est le défi qu’Abdellatif Miraoui s’est fixé pour son second mandat…