Zainab Fasiki : Libérté pour tous

by La Rédaction

A 25 ans, Zainab Fasiki, illustratrice et bédéiste marocaine, marque son engagement avec une série de travaux qui font éclater les tabous en mille morceaux. Un combat de tous les instants contre la discrimination sexuelle, le harcèlement et la sexualisation du corps de la femme, sans parler du viol et de toutes les violences faites aux femmes dans un Maroc à plusieurs vitesses et à plusieurs visages. Avec son dernier opus Hshouma, c’est une réelle croisade contre l’hypocrisie sociale, les non-dits et ces archaïsmes liés à tout ce qui est sexuel dans une société où le sexe est pratiqué par tous et à tous les âges avec parfois des dérives terribles liées justement à des dogmatismes de mauvais aloi et des partis pris qui n’ont plus droit de cité en 2020 dans un pays qui parle des libertés individuelles avec une timidité d’un autre âge, le tout sous couvert du religieux.


   

Ce qui se dégage aujourd’hui suite à tous les scandales liés au sexe au Maroc, c’est que les Marocains ont un réel problème à régler avec le corps, leur corps. Viols filmés et diffusés sur le Net, poursuites judiciaires à cause des avortements, pourtant tout le monde sait que des milliers d’IVG sont opérées tous les jours, coups et blessures sur les femmes, insultes et stigmatisations au quotidien dans les rues, Tcharmil, et d’autres phénomènes typiquement marocains, qui sont devenusV banals, qu’on les voit défiler sur les réseaux sociaux comme des faits anodins. Violer est un crime. Harceler une fille est un crime. Par contre aimer et se faire aimer ne doit pas poser problème dans une société qui se targue d’ouverture et de modernité. Si l’on venait à poursuivre toutes les personnes qui ont des relations sexuelles hors mariage dans ce pays, tout le monde ou presque doit être écroué et ne parlons pas des affaires d’adultères et de la polygamie et autres prostitutions…  A un moment donné, la société doit être pensée comme un corps malade et il l’est ce tissu social marocain où l’hypocrisie tient lieu de véritable religion et sport national. Chacun doit prendre ses responsabilités intellectuels qui se terrent quand il faut se mouiller, société civile qui agit à coups de slogans saisonniers, médias timides et très politiquement corrects, enfin… tout le monde parle et on agit très peu.

Zainab Fasiki, elle, en a marre. Elle vient de donner un coup de pied dans la fourmilière et en secouant le cocotier, il fait voir la forêt, il lève le voile sur un Maroc rétrograde, traditionnaliste, anti-liberté et surtout qui a un problème profond avec tout ce qui touche au sexe et au corps.

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Zainab Fasiki, vous êtes artiste, à peine 25 ans et vous avez déjà une carrière à votre âge. Vous venez de rentrer d’un périple à l’international où vous avez parlé de votre dernier bébé qui s’appelle « Hshouma ». Un ouvrage incontournable aujourd’hui au Maroc surtout par les temps qui courent où toutes les pensées rétrogrades sont encore en train d’envahir la société marocaine. Vous y parlez de la femme, de la liberté, du sexe et du corps.

Depuis que j’ai commencé ma carrière d’artiste, les gens qui me connaissent savent que je me dessine nue. Et donc à chaque fois, j’entends le mot Hshouma.  D’ailleurs toute ma vie j’ai entendu le mot Hshouma, même pour tous les actes de la vie quotidienne. C’est pourquoi j’ai créé ce livre «Hshouma» qui détaille le corps et la sexualité au Maroc, l’identité des genres, les orientations sexuelles, tout ce qui concerne le «Gender based violence», l’éducation sexuelle et le harcèlement.  Le livre Hshouma est surtout un guide pour remplacer le vide laissé par les écoles et même par nos parents quant à l’éducation sexuelle. On donne naissance mais on n’explique pas comment. On donne tous les types d’éducation et pas l’éducation sexuelle.

Pourquoi l’éducation sexuelle est toujours taboue ?

C’est notre culture, nos traditions. C’est tout ce qui est Hshouma. Nous vivons dans une hypocrisie sociale. On cherche toujours à être parfait mais on ne peut pas. Il faut être honnête.

Mais la perfection ne veut pas dire ne pas vivre ses désirs. Tout le monde a une activité sexuelle.

Quand la religion rentre aussi dans ce cadre, ça change tout le jeu.  Dans la religion on cherche le paradis, mais en même temps il y a la vie aussi c’est impossible de faire un l’équilibre entre les deux.

Qu’est-ce qu’il faut à une société qui a un problème avec le corps, avec le sexe. Pourquoi chaque année, nous avons un feuilleton de ce genre ?

Il faut déjà de la tolérance. La violence persiste malgré tout. Certains Marocains n’acceptent pas que d’autres Marocains soient différents. Par exemple qu’ils ne soient pas pratiquants ou musulmans modernes, ça les dérange. Pourtant, Il faut respecter.

En écrivant «Hshouma», je n’essaie pas de changer l’islam. Je ne suis pas là pour prôner «Al fitna» ou «Ad-daara », j’invite les Marocains à comprendre pour mieux coexister», à accepter la diversité.

Il est temps en 2020 de parler de sexualité, de son corps, de la liberté de la femme, qu’elle puisse s’assumer dans une société patriarcale. Il n’y a aucune incitation à la débauche. Parle nous de ta tournée à l’étranger, de ton road show

Il y a une bonne image du Maroc à l’étranger, plusieurs personnes rencontrées rêvent de venir le  visiter, mais après ce qui s’est passé avec l’histoire des belges en short, d’autres touristes attaqués… il fallait que je corrige tout ça. Ce ne sont que deux Marocains qui ont ruiné l’image d’un pays, mais les Marocains ne nous attaquent pas parce que nous portons des shorts.

C’est quoi pour toi la liberté sexuelle ?   

Il est difficile de donner une définition de la liberté sexuelle. Il faut commencer par les lois. Dans ce régime patriarcal, il y a un contrôle masculin et il y a aussi la religion. Il faut d’abord résoudre le problème de contrôle et revoir certaines lois, ce qui risque de prendre plusieurs années. Je reste pourtant optimiste. Beaucoup de changements sont en cours.

C’est en effet des lois archaïques qui remontent à bien des années

Moi je dirais qu’il faut faire un travail au niveau des écoles. Ouvrir les esprits. Il faut inculquer l’acceptation de la diversité. Il faut que ceux qui veulent aller à la mosquée y aillent et ceux qui ne veulent pas, c’est leur droit. Il ne faut rien forcer

C’est un message très conciliant dans une société qui se cherche. Zainab, comment vois-tu le Maroc et la position de la femme au Maroc dans les prochaines années.

Je vois un bon avenir. Les polémiques qui continuent malgré les attaques en sont une preuve. On veut un Maroc qui accepte surtout la diversité.

 

Hshouma, noir et blanc & arc-en-ciel

« Depuis l’enfance, à chaque fois que je pose des questions à ma famille ou à l’école, tout le monde me donne cette réponse: ‘hshouma, n’en parle pas!’ C’est pour cela que j’ai choisi ce simple titre pour justement en parler… Dans ce projet éducatif, le dessin est tout d’abord un moyen pour transmettre un message et permettre à tout le monde de le comprendre même pour les personnes analphabètes. Ces deux couleurs pour moi représentent la neutralité totale de n’importe quel régime ou couleur de peau. Tout le projet Hshouma  est en noir et blanc… Quand j’étais étudiante en Ingénierie Mécanique, j’ai vécu des situations de discrimination parce que j’étais une fille. Pour me sentir mieux, je me suis plongée durant mon temps libre dans ma passion : le dessin. C’est de là qu’est né le projet Hshouma, une BD que j’ai débutée pour briser les tabous liés à la femme et à son corps. Maintenant le projet a grandi et il comporte des livres, des événements et des vidéos. »

Hshouma

« Dans mon pays, au Maroc, il est hshouma de discuter de certains sujets, notamment de la sexualité et le corps, et encore plus de vouloir les vivre. Ces interdits, affirmés par l’Islam et confortés par les lois, ont engendré de nombreux maux dans ma société, parmi lesquels la frustration et la violence. Malheureusement, encore aujourd’hui, de nombreux Marocains restent persuadés qu’interdire permet de maintenir la paix sociale… Mais où est cette paix ? Pour comprendre ce que nous vivons, je vous propose de regarder ensemble le règne de hshouma, dans sa dimension éducative, religieuse et politique. Pour briser ces tabous, je témoigne ici de ma vie en tant que jeune femme marocaine. »

Une fille au Maroc

« En tant que jeune fille marocaine, j’ai toujours peur. J’ai toujours peur d’utiliser les transports en commun. J’ai 23 ans et j’ai toujours dû affronter le harcèlement sexuel… Moi, j’ai été harcelée sexuellement toute ma vie, que ce soit dans la rue, le taxi ou à la plage… Je dessine des femmes nues et ça fait bouger des choses, parce que le but de mes dessins c’est d’arrêter de sexualiser le corps des femmes et de le voir hors d’un contexte sexuel… J’ai créé le collectif « Women Power » parce que c’est un féminisme qui défend les femmes artistes, débutantes ou expertes. Il sensibilise les femmes à être unies dans le but d’arrêter la culture du viol.

Née pour dessiner

«Depuis que j’étais petite je rêvais de faire l’école des Beaux-arts après le bac. En même temps j’avais cette passion pour les sciences, la mécanique et la robotique. Je suis autodidacte, les études de maths et de physique je ne peux pas les apprendre toute seule. Quand on entend que quelqu’un est ingénieur on s’imagine qu’il est derrière un bureau, alors que non, moi je n’utilise pas mon diplôme en tant que tel. Depuis trois ans j’adore ce domaine. J’avais beaucoup de préjugés, je pensais que l’ingénierie c’est les voitures, le BTP, alors que ce n’est pas ça. Je bosse sur des projets sur les interactions, les installations interactives.

Concernant le dessin, depuis l’obtention de mon diplôme, j’ai décidé de prendre une année pour me donner à 100%, pour produire jour et nuit. Je n’avais pas autant de temps libre. Depuis le jour où je suis rentrée pour étudier, j’étais frustrée parce que je ne dessinais que le samedi après-midi, pour une heure. Du coup, maintenant je peux consacrer toute ma carrière au féminisme, aux livres avec les organisations des droits de l’Homme et au dessin. »

Changer les mentalités

Moi-même je suis victime de la société patriarcale. Je n’étais pas spécialement féministe avant, mais le jour où j’ai commencé mes études en génie mécanique, j’ai découvert que les hommes avaient l’habitude d’être les seuls à prendre des initiatives. Je me disais que c’était bizarre… Après, j’ai compris que les inégalités étaient une réalité. Les expériences désagréables se sont répétées .

J’essaye de changer les mentalités, en montrant que le corps féminin peut être un objet artistique, pas seulement un objet sexuel… Au Maroc, les filles hésitent énormément à déclarer leur viol pour leur réputation, leur famille… Au niveau du gouvernement marocain, c’est vraiment compliqué, on a perdu l’espoir de voir un changement. La société civile doit prendre les choses en mains .

Il est important d’avoir des femmes courageuses et féministes dans le monde arabe car malheureusement, la société est toujours unie pour combattre les femmes libres, mais jamais pour les sauver .

J’aimerais bien qu’on travaille vraiment ensemble: l’Etat et la société civile. Il faut vraiment faire face au harcèlement sexuel. C’est vraiment une crise de valeurs ici au Maroc et ça ne peut finir que si on est unis et qu’on invite les jeunes à respecter les femmes, à donner de l’importance à l’égalité hommes-femmes .

 

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