Nous savons tous, à l’entendre, ce que suggère l’appellation Lamborghini : des engins rapides pour ne pas dire diaboliques qui n’ont qu’une seule vocation : limer le bitume à une allure folle, capable de faire crépiter tous les radars automatiques jonchés sur le parcours. De la Miura à la Huracan, en passant par la Countach, chaque bolide sous son air menaçant a été conçu selon la même philosophie : celle de procurer aux aficionados qui en prendraient le volant un réel plaisir de conduite. Une marque que l’on doit à un homme, passionné de sportives et disparu en 1993, à savoir Ferruccio Lamborghini. Le 28 avril dernier, il aurait soufflé ses 104 bougies.
Hommage à cet homme sans qui cette marque qui porte son nom, un peu comme Ferrari qui n’est autre que le patronyme de son créateur Enzo Ferrari. Pourquoi évoquer le Commendatore ? Car c’est en partie à cause de lui qu’est né le constructeur Lamborghini. Mais revenons Ferruccio, un homme brillant, travailleur et très avisé en affaires. Né en 1916 sous le signe du taureau, de parents agriculteurs, il est passionné dès son plus jeune âge par la mécanique. Il effectuera des études à l’Institut de technologie de Bologne et en sort diplômé en 1939. Mais l’heure est à la Seconde Guerre mondiale et Mussoloni mobilise ses troupes. Fait prisonnier par les Anglais sur l’ile de Rhodes, Ferrucio passe ses journées de captivité à effectuer de la mécanique au sein du parc d’automobiles et d’avions de l’ile.
Après la Seconde Guerre mondiale, il a commencé à fabriquer des tracteurs à partir de machines militaires dont il a fait l’acquisition et a même fondé un business dans le secteur, celui des machines agricoles, en pleine expansion. Il faut dire que l’Italie est en phase de reconstruction. Les affaires sont florissantes pour Lamborghini à tel point qu’il diversifie son activité et se lance dans la fabrication de climatiseurs, de systèmes de chauffage… Comment dépense-t-il son argent pour se faire plaisir ? En achetant ce qui lui tient le plus à cœur : de belles voitures. Il pouvait donc s’offrir ce qu’Aston Martin Jaguar, Maserati et Ferrari faisaient de mieux à l’aube des années 60. Il devient d’ailleurs un client assidu d’Enzo Ferrari.
«Lorsqu’il est devenu un riche industriel, il a acheté deux Ferrari, l’une blanche pour lui et l’autre noire pour sa femme», se souvient Valentino Balboni, ancien pilote d’essai en chef de Lamborghini. Et ce dernier de préciser dans ses mémoires : «chaque fois que des clients importants venaient chez lui pour acheter des tracteurs, il les emmenait au restaurant dans sa Ferrari».
Une rivalité exacerbée entre Enzo et Ferruccio !
Pourtant, aucun de ses bolides ne le satisfaisait pleinement. Et ce n’est un caprice de milliardaire, c’est plutôt le point de vue d’un connaisseur à même de déceler les faiblesses de ses voitures et d’être à même d’apporter des solutions techniques pour y remédier. Même sa Ferrari le déçoit et le laisse frustré. C’est Valentino Balboni qui raconte la suite : «Ferruccio aimait faire le show, mais il n’était généralement pas un très bon pilote. Il brûlait toujours l’embrayage», précise-t-il. Cela signifiait des voyages répétés au service après-vente de Ferrari pour le remplacer. Après la troisième ou la quatrième visite, Lamborghini a décidé de faire remplacer l’embrayage dans sa propre entreprise de tracteurs et par son propre chef mécanicien. Après avoir déposé le moteur et la transmission, le mécanicien de Lamborghini s’est rendu compte que l’embrayage de la Ferrari était identique à celui des petits tracteurs de son patron. «C’était un embrayage commercial, monté sur toutes les Maserati, Ferrari et d’autres bolides de sport de l’époque», dira Balboni. «Il s’est avéré qu’il était monté sur un certain type de tracteur Lamborghini. De quoi provoquer la colère de Ferruccio».
Il n’a d’ailleurs pas hésité à s’en plaindre ouvertement auprès de son illustre voisin de Maranello. Un véritable affront aux yeux d’Enzo Ferrari qui dira : «Vous êtes un conducteur de tracteur, vous êtes un agriculteur. Vous ne devriez pas vous plaindre de conduire mes voitures parce que ce sont les meilleures voitures du monde». Humilié, Lamborghini s’est juré de relever l’affront avec la ferme intention de défier Ferrari. Voici comment a été fondée le 30 octobre 1963 Automobili Lamborghini.
Des débuts difficiles
L’expérience qu’il avait acquise avec ses précédentes entreprises lui a permis de réaliser l’établissement idéal pour atteindre son objectif : une structure très rationnelle, sans équivalent à l’époque dans ce secteur. Le premier modèle vit rapidement le jour : quelques mois seulement s’écoulèrent entre la construction de l’usine et la date de l’inauguration officielle, fixée pour le rendez-vous le plus important à l’époque à savoir le Salon de l’Auto de Turin en novembre 1963. D’emblée, Ferruccio Lamborghini eut les idées très claires : la conception du moteur, qui devait être le plus beau douze-cylindres en V jamais réalisé, fut confiée à Giotto Bizzarrini qui avait signé quelques-uns des derniers moteurs de Ferrari. Pour la construction de la voiture, il engagea deux jeunes ingénieurs très prometteurs : Gian Paolo Dallara et Paolo Stanzani.
Un grand travail les attendait et le temps était compté, pour autant, quand elle fut présentée, la 350 GTV était déjà un chef-d’œuvre et la marque n’allait pas tarder à se faire connaître et à prendre encore plus d’ampleur. Mais, en 1972, Ferrucio Lamborghini décide de vendre ses parts et l’année suivante l’ensemble de ses actions. Le fondateur de l’entreprise, l’artisan de l’extraordinaire essor des huit premières années, a quitté ainsi la scène pour toujours. Mais les activités de l’entreprise n’en sont pas pour autant ralenties. En 1972, la P250 Urraco, la 400 GT Jarama, la 400 GT Espada et la P400 Miura SV sont en pleine production. La Countach fait son apparition au Salon de Genève de 1973. Et pendant ce temps le monde change. Le choc pétrolier déclenché par la guerre du Kippour en 1973 fait souffler un vent de panique et fait craindre une pénurie de carburant. Lamborghini, compte tenu du marché automobile qui est le sien, celui des super sportives, est frappé de plein fouet et réagit comme elle peut. C’est en juin 1998 que Lamborghini passe dans le giron du Groupe Volkswagen avec le succès que l’on sait.