Si Omar, passionné de la première heure et généreux du cœur

by La Rédaction

Le Maroc a perdu l’un de ses plus éminents collectionneurs et fervent défenseur du patrimoine automobile de collection. En effet, Omar Bekkari s’en est allé le 12 janvier dernier à l’âge de 72 ans. L’ancien Commandant de bord de Royal Air Maroc s’était pleinement consacré à cette passion qui lui a toujours tenu à cœur ; à savoir celle de la restauration et de la préservation des voitures anciennes. Il nous était impérieux à VH Magazine de lui rendre un vibrant hommage, mais qui d’autre que son frère Mohamed Bekkari est plus à même de le faire ? C’est avec la gentillesse qui le caractérise, qu’il n’a pas hésité à prendre sa plume et à nous faire l’insigne honneur de nous relater quelques anecdotes ayant trait à la vie d’Omar Bekkari, plus exactement à cette passion de l’automobile qui, finalement, a constitué l’essence même de sa vie. Nous vous livrons tel quel le récit à la fois riche en anecdotes, mais également émouvant du souvenir de Si Omar, par son frère Mohamed Bekkari. 

Il est aisé, mais aussi très délicat de parler d’Omar, mon grand frère, qui a toujours été pour moi un modèle et un exemple. Je ne m’aventurerai pas à faire une biographie au sens classique du terme, mais simplement à résumer sous forme anecdotique les différentes étapes de sa vie liées à sa passion.

   

Il a d’abord été mon grand frère, le frère qui avait l’art de faire le bon geste au bon moment. Nous étions une fratrie de onze frères et sœurs où Omar brillait par sa discrétion et son inclination naturelle à venir en aide à son prochain. Jusqu’à son dernier souffle il est resté égal à lui-même : serein et philosophe. A ses enfants qui lui souhaitaient bonne nuit, il dit en toute conscience avec une assurance déconcertante : «le voyage fut magnifique et il est temps pour moi de débarquer du navire !».

Aujourd’hui il nous a quittés, mais il a laissé derrière lui des centaines de personnes qui témoignent à l’unanimité de son affabilité, et je dirais même, de sa grandeur d’âme. Parmi le grand nombre des messages de condoléances reçus, rares sont ceux qui se limitaient à la formule consacrée. Certains termes reviennent en boucle : «gentleman, grand-homme, homme bon qui aime rendre service… ». 

Un de nos amis d’enfance, qui nous a beaucoup côtoyés, nous a émus en me disant : «Allah I r’ham li Rabbakoum !» (Que la paix soit sur l’âme de ceux qui vous ont éduqués). Mon père aimait à nous répéter quelques préceptes et il avait à cœur que nous puissions les respecter. «Tes amis tu les choisis, ta famille tu l’acceptes», disait-il. De même qu’il ajoutait : «accomplis un bienfait et jette-le à la mer, il te reviendra»…..

Ces précieux conseils mis en application ont fait de nous une famille très unie. Omar, lui, a été bien plus loin ; en effet quand il choisissait un «vrai» ami, il l’adoptait. Il avait l’art de voir ses qualités et d’occulter (sciemment) ses défauts. Il y trouvait son compte.

Ancien pilote de ligne, il a su tisser avec ses collègues, au cours des milliers d’heures de vol passées dans les avions et lors des escales, des liens très étroits d’une qualité exceptionnelle. 

Un exemple parmi tant d’autres ; en effectuant récemment la liaison Dakhla-Casablanca, le commandant du vol m’a surpris en me déclarant qu’en réalité je devais aussi lui présenter mes condoléances pour le décès de «Si Omar», car il estimait avoir perdu un frère plutôt qu’un collègue. Puis il s’est lancé dans une description des plus élogieuses du défunt.

Omar était, sans contestation possible, l’un des plus grands passionnés de véhicules anciens. Dénicher de nouvelles «ferrailles» était pour lui un sport au quotidien. Il adorait parcourir le Maroc à la recherche de vieilles carcasses de voitures, en état de délabrement, qui méritaient qu’on leur consacre du temps et de l’énergie en vue de leur restauration. En effet, il n’était nullement intéressé par l’acquisition de véhicules en bon état de marche. 

Dans cette quête permanente, il a côtoyé ferrailleurs, mécaniciens, électriciens… Dans cet environnement, il a aussi laissé une trace indélébile et ces hommes ont tous exprimé à leur manière ce qu’ils ont ressenti suite au départ de feu Omar.

Alors que nous sortions du cimetière peu après les funérailles d’Omar, je reçus l’appel d’un électricien de Casablanca. Il me présenta ses condoléances, en faisant au passage, de beaux éloges à l’encontre du défunt, puis il ajouta : «j’ai travaillé pour si Omar pendant près de 40 ans, et parfois, je commis d’énormes bourdes. Pourtant, il ne m’a jamais adressé de réprimande». Et de conclure : «Foum B’la 3ar».

Par la suite, un grand ferrailleur âgé de près de quatre-vingts ans m’appela pour me dire qu’il avait trouvé une vieille «mini Honda des années 70» qui pourrait nous intéresser. Lorsque je lui appris la nouvelle du décès de mon frère, je n’entendis plus que des pleurs étouffés et puis il raccrocha après cinq ou dix secondes. Il me rappela le lendemain pour s’excuser d’avoir raccroché la veille et pour me présenter ses condoléances. Il m’expliqua qu’il avait été déstabilisé par cette nouvelle inattendue d’un être qu’il appréciait énormément pour son élévation d’esprit et sa grande modestie. 

Enfin, au Maroc, Omar était la référence dans le domaine de la restauration des véhicules de collection. Il était surtout admiré et cité en exemple pour son audace et pour son courage. Il a, en effet, majoritairement constitué son écurie sur la base de véhicules en état de dégradation avancée, véhicules que beaucoup de collectionneurs auraient refusés en cadeau. Il était patient et fin connaisseur et le temps lui donnait raison. Une fois le dur labeur de restauration achevé, on pouvait admirer le résultat et sans l’ombre d’un doute, à chaque fois, le jeu en valait la chandelle.

Mais la renommée d’Omar ne se limite pas au Maroc. Beaucoup de médias étrangers se sont déplacés à Marrakech et à Bouskoura pour visiter son domaine… Avec son décès, les collectionneurs ont perdu plus qu’un ami et les marques de soutien et de sympathie envers ses proches ont fusé de partout.

Un meeting automobile, auquel il devait participer, s’est tenu fin janvier à Dakhla. Le comité organisateur a instinctivement décidé de le nommer «Dakhla Grand prix Omar Bekkari».

Ce meeting qui s’est clôturé par une course de régularité en circuit fermé a réuni 82 véhicules de collection. Comme dit le proverbe, «bon sang ne saurait mentir». 

En effet, la course a été remportée par son fils aîné Salim, en compagnie de son co-pilote et cousin, Karim Bekkari. Omar a laissé deux fils et son fils cadet, Younès, était également de la partie et a fait bonne figure à l’occasion de ce Grand Prix en s’adjugeant la 9ème place du classement général. Il ne tardera pas, j’en suis certain, à sortir ses griffes dans un proche futur.

 Le tout début

Nous avons eu la chance d’avoir un père qui aimait les belles voitures et les longs voyages par la route. Avant sa longue carrière dans l’enseignement, il a même aspiré en 1936 à devenir pilote. Il lui avait été répondu alors, que les Marocains ne pouvaient prétendre qu’à des postes de «rampants» (techniciens, mécanicien, électricien d’aviation, mais en aucun cas, ils ne pouvaient se retrouver aux commandes d’un avion). C’est peut-être de là que sont nées les vocations chez ses enfants (Omar ayant emboité le pas à son frère ainé Camel, Omar étant le cadet de la famille) et petits-enfants qui sont devenus pilotes de ligne.

Fraichement marié, économisant sur son salaire d’enseignant, mon père fit l’acquisition, en 1949, d’un cabriolet Renault Viva Grand Sport qui avait 10 ans d’âge.

Ce fut le premier véhicule qui accueillit Omar à son bord. Cette voiture passait plus de temps au garage pour réparation, que sur la route, au point qu’il en est né une anecdote familiale assez comique. Mon grand-père dit à son fils : «va à Mari-Feuillet (en bord de mer à Rabat) et jette ta voiture à l’eau et sois certain qu’au bout du compte tu en sortiras gagnant».

Le message fut reçu cinq sur cinq et mon père brada sa Renault pour acheter, en 1952, une Citroën Traction avant légère onze chevaux. Omar avait quatre ans et déjà il ressentait l’envie de s’asseoir au volant (voiture à l’arrêt) pour faire semblant de la conduire.

En 1955, la famille grandissant, mon père opta pour l’achat d’un Volkswagen Combi qui sera la première voiture qu’Omar conduira. Ce sera d’ailleurs le premier d’une longue série de VW Combi.

Ces Combi laisseront en nous des souvenirs impérissables de ces nuits passées sur la route où nous dormions dans la malle arrière, bercés par le ronronnement du moteur, qui servait aussi de chauffage. Donc depuis très jeune, Omar a vu grandir, jour après jour, cette passion pour l’automobile et on le surprenait souvent à flâner dans les rues de la ville pour scruter ces bolides de l’époque. Il ne se doutait pas un instant que, plus tard, il en possèderait quelques exemplaires et pas des moindres. Sa première acquisition fut une Citroën C3 de 1923 dans laquelle il roulait au quotidien. 

 Mme charouite

Dans les années 50, au niveau de Bab El Had, se trouvait la gare routière de la ville de Rabat. De là partaient tous les autocars en direction des diverses villes du Maroc. Une des lignes desservait le village de Sidi Allal Al Bahraoui appelé aussi «Kamouni» (dérivé de camp Monod . Un autocar d’une quinzaine de places assurait la desserte de la ligne. Les voyageurs l’appelaient communément madame «Charouite» (qui veut dire torchon en arabe). J’ai toujours pensé que c’était lié au fait que le bus n’avait pas de vitres et était équipé de petits rideaux en toile assez élimés. 

Dans les années 90, Omar acheta un de ces minibus auprès d’un habitant de l’Oulja au bord du Bouregreg. Du véhicule, il ne restait que le châssis, le moteur et quelques planches de bois pourri de ce qui composait autrefois la carrosserie. De plus, il était à moitié enlisé dans de la vase. Il fallut l’aide d’un tracteur pour le tirer vers la chaussée et l’embarquer sur un plateau de dépannage. En débutant la restauration, une petite plaque en cuivre sur la planche de bord attira notre attention. Elle portait le nom de l’ancien propriétaire qui n’était autre que «Madame Charvète». Il fallut près de deux ans pour lui redonner vie et, puriste jusqu’au bout, Omar décida de rallier Rabat pour ensuite parcourir symboliquement le trajet effectué autrefois par ce minibus. 

Quand on va à la chasse ou à la pêche, on sait rarement quelle sera sa prise. Pour Omar, c’était une chasse permanente à la recherche de «gibier roulant». Il arrive aux gens bien des d’histoires incroyables, mais ils ne les consignent pas. Omar en a eu son lot , alors qu’il sillonnait le pays en long, en large et en travers pour assouvir sa passion et dénicher quelques perles rares perdues dans les hangars d’anciennes fermes coloniales ou dans les sous-sols d’immeubles à Meknès, Oujda ou Fès. La trouvaille la plus inattendue fût une Porsche 356… hissée, on ne sait comment, sur le toit d’un immeuble à Tanger. Il est un peu normal que sur quarante années de prospection, il ait rencontré des situations assez ubuesques.

Une des histoires les plus insolites s’est produite en suivant la trace…improbable d’une Jaguar XK 120. 

Chevrolet Corvette 1955 et Jaguar XK 120 de 1952.

Tout débuta en 1978 lorsqu’un ancien pilote militaire (converti instructeur en vol), me fit la confidence qu’il se déplaçait dans une XK 120 sur la base militaire de Meknès. Je transmis l’information à Omar dans la soirée et ce dernier m’envoya presque sur les roses. Il me dit que si cette voiture se trouvait dans les parages, il en aurait eu vent et il poursuivit en me faisant l’apologie de cet engin : la XKC, à la carrosserie tout en aluminium, a représenté une révolution quand elle est apparue en 1950. Elle atteignait les 200km/h et offrit à Jaguar, avec des modèles quasiment de série, la victoire aux 24 heures du Mans en 1951 et en 1953. 

Fin de discussion, on passe à autre chose !

Quelques temps après, j’effectuais un vol, avec le même instructeur, en compagnie de mon binôme de l’époque, Arraki Dafir, lui aussi féru de voitures anciennes. Pendant l’escale à Marrakech, le sujet revint sur le tapis. L’instructeur nous donna plus de détails sur le fameux véhicule et il fit une description en tout point cohérente de la Jaguar XK 120. Il précisa que lorsqu’il quitta l’armée pour rejoindre l’école de pilotage à Casablanca, il la laissa sur place, au niveau de l’aéroclub civil, car il fallait une citerne derrière pour l’alimenter. 

Je suppose qu’en quittant l’armée, ils perdaient leur dotation mensuelle d’essence. Fort de ces nouveaux éléments, je revins à la charge et Omar comprit très vite qu’il s’agissait bien de ce modèle de voiture.

Le lendemain tôt dans la matinée, nous primes la route pour Meknès, le gardien sur place avait souvenir de la voiture de couleur orange, qui était restée longtemps posée au fond du hangar. D’ailleurs, il ne l’avait jamais vue quitter la base. Omar demanda à ce même gardien d’essayer de fournir de plus amples informations sur cette Jaguar.

De retour à Casablanca, il contacta mon instructeur pour qu’il lui vende le véhicule. Ce dernier l’informa qu’il n’en était pas propriétaire et que l’engin appartenait à un agent de gendarmerie nommé Mohammed D. qui la lui avait laissée en quittant Meknès. Après plus d’un mois de recherches, Omar finit par rencontrer le gendarme en question qui accepta de lui vendre le véhicule pour 1 500 dirhams, en précisant qu’il avait une attestation d’achat, mais qu’il n’avait jamais passé le véhicule en son nom. Sur cette base, un nouvel acte de vente fut signé et légalisé au nom d’Omar, sur papier libre.

 J’ai la carte  grise….

Grâce au numéro minéralogique et après un passage au centre d’immatriculation, nous eûmes le nom et l’adresse à Khouribga du propriétaire (un certain Hamid A.) inscrit sur la carte grise. Le lendemain, nous nous sommes rendus à ladite adresse, mais la personne qui habitait la maison ne semblait pas connaitre Hamid A. Nous avons questionné le voisinage et les commerces, en vain. Après quelques trois mois, Omar venait de finir la restauration d’une Citroën traction avant et il décida en compagnie d’un ami de faire une virée sur Khouribga. Arrivé à destination, il se rendit à l’ancien domicile du propriétaire de la Jaguar XK 120. Pendant qu’il cherchait à avoir des nouvelles concernant Hamid A., une dame présente sur les lieux lui demanda pourquoi il cherchait le dénommé Hamid A. Omar lui en expliqua la raison. Et elle lui répondit : «je suis sa sœur et je suis venue de Casablanca pour montrer à mon fils la maison où je suis née….». Coup du hasard ? Grâce à cette rencontre, le propriétaire a pu être contacté et le problème de carte grise réglé. 

 Mais où est la voiture ?

Omar était heureux de détenir le précieux sésame à son nom, mais encore eut-il fallu qu’il retrouve le véhicule, qui semblait avoir disparu de la base de Meknès. Sa bonne étoile va encore l’aider. Alors qu’il s’apprêtait à effectuer un vol, il croisa le Général Kabbaj, alors Directeur du corps des pilotes et Chef d’état-major de l’Armée de l’air. Ce dernier connaissant son penchant pour les véhicules de collection lui dit : «alors, où en es-tu avec tes ferrailles ?». «Je gère mon Général, mais je ne retrouve pas une Jaguar que j’ai achetée et qui se trouvait sur la base de Meknès», répondit Omar. 

Connu pour sa rigueur et son sens de la discipline, le Général lui rétorqua sèchement : «chez moi rien ne se perd ! As-tu les documents ?» Immédiatement, Omar tira la carte grise de sa sacoche de vol et la lui remit. Au retour de son vol, le Général lui rendit sa carte grise et lui dit : «ta voiture t’attend à la base, sur un camion. Va la récupérer !». En fait de voiture, elle était loin d’être complète. Des roseaux avaient poussé dedans, il manquait des compteurs, des banquettes de sièges… Mais Omar était heureux de son acquisition. Mais il ne savait pas que l’avenir lui réservait une très belle surprise.

Une Porsche qui va aider

Quelques temps après avoir finalisé l’acquisition de la Jaguar, Omar fut approché, à travers un ami, par le fils d’un grand carrossier marocain (Jamal R.). Ce dernier, qui possédait une Porsche Turbo de 1975, avait un problème de boite de vitesse et devait se rendre à Paris pour un échange standard. Il souhaitait, moyennant garanties, qu’Omar lui «prête» la boite de vitesse de sa voiture afin qu’il puisse avoir le plaisir de faire le voyage par la route.

Omar lui proposa de se rencontrer dans la matinée à Bouskoura pour en discuter. Mon frère avait en fait une idée derrière la tête. En effet, il avait, au fil des années, amassé des boites de vitesse dans les diverses ferrailles visitées. Il en fit inspecter une qui paraissait en bon état et la fit installer, après vidange et changement du filtre, à la place de celle qui était défectueuse. Ils partirent faire une petite virée pour essai. La boite répondait très bien.

Jamal R. remercia vivement Omar et lui dit qu’il lui rendrait la pièce à son retour de Paris. Omar lui répondit qu’il n’était plus nécessaire de se rendre à Paris puisque le problème avait disparu. Quand Jamal R. proposa de payer pour la boite de vitesses, Omar refusa prétextant qu’il avait dû débourser une misère en achetant cette boite, du fait qu’il ne savait pas si elle fonctionnait ou non. Honnête, Jamal R lui avoua qu’il aurait dû payer une petite fortune à Paris.

De là est née une amitié avec Jamal R., ce dernier étant souvent présent aux barbecues du samedi après-midi à Bouskoura où se retrouvaient les passionnés de l’automobile ancienne.

Un jour, Omar raconta à Jamal l’histoire improbable de la Jaguar XK 120. C’est alors qu’il lui répondit que son père avant d’être carrossier était, dans les années 60, concessionnaire Jaguar… Et qu’au fond d’un de ses hangars, il devait bien rester un stock de pièces.

Le lendemain matin (dans ce domaine Omar aimait battre le fer tant qu’il était chaud), les deux amis se sont rendus sur place et Omar a découvert (selon ses propres termes) la caverne d’Ali Baba. Il y avait jusqu’à la dernière rondelle pour restaurer la XK 120. Mais vu les prix en Europe, il faudra une somme colossale pour tout acquérir. Omar était heureux, car il savait qu’avec du temps…et de l’argent, il pourrait remettre la Jaguar sur pieds. Il demanda donc à Jamal de lui mettre de côté les pièces nécessaires.

Le mercredi en cours d’après-midi, nous étions à Bouskoura lorsqu’un camion chargé de pièces Jaguar arriva sur place. Omar comprit très vite de quoi il s’agissait et dit à Jamal qui était de la partie : «je préfère régler les pièces au fur et à mesure que je les récupère».

Jamal lui répondit : «Omar, tu paieras pour ces pièces le prix que j’ai réglé pour la boite de vitesses de ma Porsche Turbo».

Finalement, la Jaguar fut remise à neuf grâce aux connaissances et à la compétence du mécanicien surnommé «Omar Jaguar», car il avait travaillé en tant que chef d’atelier dans la maison Jaguar dans les années 60. Un horloger des belles mécaniques. Qu’il soit à six, huit ou douze cylindres, aucun moteur n’avait de secret pour lui. Quelques mois plus tard, à l’occasion de son mariage, Omar prit la tête du cortège au volant de cette voiture. en compagnie de son épouse qui l’a accompagnée pleinement dans ses activités liées à sa passion.

Omar avait obtenu, sans contestation possible, ses galons de restaurateur de voitures de collection. Mais une rencontre en janvier 2009 va le faire travailler dans un tout autre registre. Un film devait se tourner au Maroc qui avait pour théâtre le Sahara marocain. En 1933, Bill Lancaster, un pilote anglais de renom a disparu dans le désert lors d’une tentative de record de traversée entre Londres et Le Cap. Loué pour les besoins du tournage, l’avion devait se cracher dans le désert, mais son propriétaire refusa de faire prendre le moindre risque à son aéroplane… Il fallait donc une doublure. 

C’est ainsi que l’équipe technique chargée du tournage, dans sa recherche de solution, fut tout naturellement dirigée vers Omar en espérant qu’il pourrait relever le défi : construire un clone du biplan en…30 jours. Après réflexion, et concertation avec «Mohammed Tôlier», il accepta de se lancer dans l’aventure. Omar contribua, de par ses connaissances de pilote, à veiller à la bonne apparence extérieure et au respect des côtes figurant sur le plan de référence et Mohammed mit à profit ses trente années d’expérience et usa de tout son savoir-faire pour qu’aboutisse ce projet.

En image, la preuve que le défi fut relevé et de belle manière. Voilà le résultat d’un mois mémorable de réflexion et de labeur, perlé de beaucoup de nuits blanches. Mais, encore une fois, le jeu en valait la chandelle ! Dans sa ferme, reposent quelques carcasses d’avion récupérées ci et là ainsi qu’un exemplaire unique de Caravelle SE 210, avion à réaction, ayant servi une quinzaine d’années sur les lignes de la compagnie nationale.

Pour l’anecdote Omar, à cinq ans de l’âge de la retraite, ayant constaté que les voitures résistaient mieux aux aléas de la météo à Marrakech qu’à Casablanca (humidité oblige), décida de migrer vers la ville. Il fit l’acquisition d’un terrain à l’entrée de Marrakech. Il lança le chantier de construction et a commencé par construire les garages à même d’accueillir sa soixantaine de véhicules, avant de poser la première brique de sa maison…Les voitures d’abord !

Fin pilote au cran incroyable

Omar ne se limitait pas à rechercher les vieilles voitures ici et là. Il savait aussi dompter ces mécaniques et tous lui reconnaissaient cette finesse de pilotage et ce cran incroyable au volant des bolides qu’il restaurait et bichonnait autant que ses propres enfants. D’ailleurs, il fut le premier équipage marocain à participer au «Rallye Classic du Maroc» en compagnie d’un autre commandant de bord, à savoir Arraki Dafir. Ces deux pilotes de ligne de Royal Air Maroc, lors de l’édition 2004, réalisèrent l’exploit d’arracher la 2ème place au classement général devant bien des pilotes professionnels de renom.

Omar aimait batailler du mieux qu’il pouvait et acceptait autant la victoire (il en a aligné une série) que la défaite, sans état d’âme, et s’empressait de féliciter les vainqueurs du jour. Mais il savait montrer sa désapprobation…à sa manière. Lors de l’édition de 2005, ils s’étaient classés premiers à l’issue de la sixième étape. Une étape où ils avaient dû batailler dur contre le chrono et l’état de la route. Ils ont même bouclé l’étape avec l’aile arrière de la voiture enfoncée, suite à un dérapage qui lui a fait heurter un rocher. Suite à la plainte de quelques concurrents sur la difficulté de l’étape, les organisateurs décidèrent de ne pas la prendre en compte. Le lendemain, au moment du départ de la septième et dernière étape, Omar était absent. Il répondit, au téléphone, à l’organisateur qui s’inquiétait de son absence :
«je suis à Casablanca, je prends mon petit déjeuner, mais je serai au départ de la prochaine édition». Et chose promise, chose due, il participa au Rallye Classic l’année suivante, et prit part à bien d’autres éditions. 

Qu’il participe ou non à l’évènement, Omar était souvent sollicité en cas de recherche de pièces mécaniques pour dépanner les concurrents. Pour l’anecdote, un jour, alors qu’il était en vacances à Agadir, il a été contacté par Jean-François Rageys, l’organisateur du Rallye, car à l’arrivée à Ouarzazate, un des participants avait cassé l’arbre de transmission du pont arrière de sa Jaguar. Cette casse était synonyme d’abandon. Omar, sitôt informé, appela Mjid, le mécanicien sur place à Casablanca, et lui demanda de démonter la pièce et de l’acheminer vers Ouarzazate. Ce qui fut fait, et la voiture fut dépannée pour le départ le lendemain, permettant au pilote de poursuivre la compétition. Bien qu’il ait chaudement remercié Omar, de retour à Paris où il habitait, le propriétaire de la Jaguar lui expédia, en guise de remerciements, un train de pneu neuf accompagné d’une magnifique lettre écrite de sa main. Une nouvelle amitié était née. 

Omar a également participé à d’autres compétitions automobiles, dont le Rallye Mille Oasis qu’il a remporté.

Ainsi était Omar ! Il était authentique en amitié, savait donner sans rien attendre en retour. Il se distinguait par ses valeurs de vie, sa persévérance et son humilité qui lui permettaient de faire aboutir ses projets les plus audacieux !

   

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