« Le plus grand hommage qui lui est rendu, c’est que les images de lui n’existent pas, affirme le journaliste Najib Salmi. Il ne reste que des témoignages et quelques images éparses. Pourtant, un demi-siècle après, les gens lui vouent encore un véritable culte, en Espagne, en France… » Larbi Ben Barek est né en 1914 ou 1917 à Casablanca. Enfant, il passe chaque jour devant un terrain de foot où s’affrontent ses camarades de classe, dont un certain Marcel Cerdan. « Il cède à la petite balle de caoutchouc-mousse et débute, curieusement entre des ‘poteaux’ formés par un pavé et une chéchia qui en a déjà vu de toutes les couleurs », racontera le journaliste Faouzi Mahjoub. Il a 17 ans quand il intègre l’Ideal de Casablanca, un modeste club de division II. Il est rapidement repéré par l’Union Sportive Marocaine qui le recrute en lui offrant, précise Mahjoub, « un boulot de réparateur de pompes à essence ». En avril 1937, Casablanca accueille l’équipe de France « B ». La prestation de Ben Barek est telle que Jozsef Eisenhoffer, l’entraîneur de l’Olympique de Marseille, débarque à Casa avec une offre chiffrée. L’affaire est conclue un an plus tard. Sur les terrains français, sa technique « brésilienne », sa vivacité et ses dribbles donnent le tournis à ses adversaires. On le surnomme « La Perle Noire » et il connaît sa première sélection en équipe de France en décembre 1938. En 1939, la guerre éclate. Ben Barek rentre au pays et reprend du service avec l’USM qui enlève le titre quatre années de suite et remporte, en 1942, la Coupe d’Afrique du Nord. La paix revenue, le Stade Français le sollicite. « Et par un matin pluvieux de novembre, il débarque à la gare de Lyon coiffé de son fez. La presse de la capitale est sur le quai, au grand complet. Larbi a coûté au Stade un million de francs (chiffre record des transferts à l’époque) », raconte Faouzi Mahjoub. Son arrivée métamorphose ce modeste club, qui bat désormais tous les records d’affluence et monte en 1ère division. Les années qui suivent sont faites de haut et de bas, en club comme en sélection. Si les foules adulent ce joueur spectaculaire, les dirigeants français, sans doute pas exempts de racisme, lui mènent la vie dure. Si bien qu’en 1948, Ben Barek est transféré à l’Atletico Madrid. Il régale le public et offre à son club deux championnats consécutifs. Mais la France lui manque et il saisit l’offre qui lui est faite de retourner à Marseille. Grâce à lui, l’OM atteint la finale de la Coupe de France qu’il perd en même temps que Ben Barek fait ses adieux. Mais lors d’un match de bienfaisance qui oppose l’équipe de France à une sélection nord-africaine, après le tremblement de terre algérien, il est ovationné à chaque touche de balle. Du coup, il est appelé dans le Onze tricolore qui affronte l’Allemagne en octobre 1954. C’est alors que se produit un accident musculaire qui met fin à sa carrière. Larbi Ben Barek entame alors une carrière d’entraîneur, sans grand succès. En 1975, lors d’un match d’exhibition à Paris, il prouve qu’il n’a rien perdu de son toucher de balle. A la fin de la partie, il est porté en triomphe par la foule. Mais, l’année suivante, après la mort de son épouse adorée, Louisette, il se mure dans la solitude et le chagrin. « Il s’est lui-même reclus de tous dans son quartier de Derb Ghallef, raconte Najib Salmi. Beaucoup de gens lui avaient piqué ses trophées, ses photos, il ne recevait plus personne. J’ai personnellement eu la chance de l’interviewer. J’ai gardé le souvenir d’un homme extrêmement affable, très pieux, respectant les gens et demandant qu’on le respecte. Pelé, quand il est venu ici, a eu l’élégance de lui dire que, si la télévision avait existé du temps de Ben Barek, ç’aurait été lui le numéro un du football mondial. »
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Abdelhak Najib
Abdelhak Najib est écrivain, journaliste, critique d’art et de cinéma, chroniqueur et animateur-télé. Natif de Casablanca en 1969, il a occupé plusieurs postes de rédacteur en chef dans plusieurs publications nationales. Il présente depuis mars 2014, l’émission « Sada Al Ibdae » sur la chaine de télévision Al Oula. Son premier roman, « Les territoires de Dieu » est paru en avril 2015. Son deuxième roman, intitulé : « Le printemps des feuilles qui tombent » vient de paraître et a obtenu le Prix Rotary 2016.
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