Vitoles & Volutes

by La Rédaction

Par Patrick G.

Amis aficionados, jusqu’à présent nous avons échangé sur la fabrication, l’origine, la petite histoire du cigare, mais il est un sujet d’importance que nous devons aborder. C’est bien joli de prendre du plaisir à déguster ces belles vitoles, mais pour cela faut-il encore que la conservation de notre cigare lui permette de tenir toutes ses promesses. 

   

Comme déjà évoqué, un fumeur de cigare apprécie tout autant le cérémonial et bon nombre de petits objets qui accompagnent ou préparent sa dégustation. Que ce soit les différents coupe-cigares, les cendriers, les chalumeaux, et bien sûr les caves, nous devenons vite collectionneurs même si certains de ces accessoires sont plus beaux qu’utiles. Pour l’amateur débutant ou confirmé, il y a un objet qui devient vite une évidence, cette petite chose qui fait l’homme dès qu’elle est posée sur le bureau. Non gentlemans, pas la secrétaire ! … la cave à cigares. 

Cette boite, parfois magnifique et souvent coûteuse joue un rôle essentiel dans la qualité de conservation de nos cigares. L’objet que l’on pourrait croire décoratif est en fait une petite merveille de technologie artisanale où chaque élément participe au bien-être de nos modules. 

Pour la petite histoire, c’est un certain Zino Davidoff qui eut l’idée fin des années 1920, de créer les premiers modèles de caves à cigares de bureau. A l’époque sa motivation était plutôt commerciale, s’étant rendu compte que tout ce qui contribuait à considérer le cigare comme un luxe était profitable. Jusqu’alors les cigares se conservaient dans leur boite d’origine, stockée dans la cave à vin de la maison. Ce n’était pas chose facile d’aller chercher son cigare en fin de repas, d’où ces petites boites en bois, de faible contenance, que l’on trouvait, au début du 20e siècle, à côté de la bouteille de cordial dans le salon. Malheureusement, les cigares oubliés y séchaient comme du foin.

Très vite, la cave à cigares de bureau s’imposa comme indispensable. De nos jours encore, elle fait partie des tous premiers achats de l’amateur, et il y a longtemps qu’elle a quitté le bureau pour s’intégrer dans nos salons.

La cave à cigares c’est le coffre-fort chargé de la protection de vos modules. Sa conception, sa contenance, donc son prix, sont liés à l’estimation du trésor que nous allons lui confier.

Trois essences de bois peuvent servir à la confection de notre cave à cigares. Le cèdre rouge, l’acajou du Honduras et le cèdre Espagnol. Evitez tout autre bois ! En réalité, seul le Cèdre Espagnol affiche toutes les qualités nécessaires à la conservation de nos cigares. La première qualité est sa douce senteur, qui comme le tonneau pour le vin, participe à l’arôme final de notre module. Le second avantage du Cèdre Espagnol, est sa capacité à auto réguler son humidité et donc ni ne gonfle ni ne se déforme par l’hygrométrie nécessaire aux cigares. Dernier avantage et non des moindres, les petits parasites qui aiment infester nos cigares, supportent très mal l’essence du cèdre espagnol et préfèrent squatter ailleurs.

Aujourd’hui nous trouvons sur le marché des caves en plexiglass, en composites divers et variés, voire même électroniques, avec soyons bons joueurs, un niveau de performance tout à fait acceptable. Mais très vite l’esthétisme de la traditionnelle cave en cèdre, décorée, laquée, manque à l’appel de notre satisfaction.

Pour choisir sa cave à cigares, il faut tenir compte de quelques paramètres. Tout d’abord, il faut savoir qu’il a bien fallu prendre une référence pour définir la capacité d’une cave à cigares. Au même titre que pour le vin, c’est la bouteille de Bordeaux qui sert de référence, c’est le module Corona dans ses dimensions qui a été majoritairement utilisé comme maitre étalon de la capacité de notre cave. Dans une cave vendue pour 100 cigares, vous êtes sûrs d’y stocker 100 Coronas, mais il vous faudra revoir vos ambitions à la baisse si vos favoris sont plus longs et d’un cépo supérieur à 42. Le cigare aime la compagnie, mais pas la promiscuité, donc selon le stock permanent que vous prévoyez de conserver amoureusement, il vous faudra choisir une cave d’une capacité double de votre projet. Vous venez d’acquérir deux jolies boites de 25 pièces ? N’hésitez pas à investir dans une cave d’une capacité de 100 pièces. De plus, toutes les expériences scientifiques et psychiatriques l’ont démontré, aussitôt achetée votre cave à cigares, vous allez vous sentir l’âme d’un collectionneur et n’aurez de cesse d’y ajouter plein de nouveaux petits modules exceptionnels. Faites-vous plaisir, mais ne saturez pas votre cave, ou alors achetez en une seconde… (soyez prudents, car c’est généralement à partir de cet achat que madame se manifeste).

Si vous avez une cave de qualité et que vous en prenez soins, vous pourrez y conserver vos plus belles vitoles durant plus de 20 ans. Comme pour les belles mécaniques, il y a un rodage.
Ce n’est pas sitôt achetée, sitôt remplie !
Présenter sur son bureau à des amis amateurs, une splendide cave laquée contenant des trucs, oui à ce stade ce sont des trucs, tous secs, ne vous fera pas monter sur le podium des aficionados.

Pour commencer, on efface de sa mémoire la solution de facilité, on oublie à tout jamais l’eau du robinet. Elle contient des centaines d’éléments qui vont irrémédiablement détruire notre cave.

Avant d’y installer nos chers modules, commençons par passer sur toutes les parois intérieures de notre cave, une petite éponge humidifiée à l’eau distillée. Petite recette de grand-mère, quoiqu’elle ne fumât point, une petite goutte de cognac dans votre eau distillée viendra ajouter un arôme discret à la cave. Refermons notre cave et oublions-la quelques heures avant de répéter une seconde fois l’opération. Ceci va permettre au Cèdre d’absorber et réguler l’humidité de base de la cave. Attention, on passe juste une éponge humide, on ne fait pas de notre cave un aquarium !

Notre cave est munie d’un humidor. Il en existe de nombreux modèles. La mousse longtemps utilisée et qui nécessite d’être régulièrement remplacée car elle se détériore, laisse petit à petit la place à la technologie des cristaux de polymère acrylique, voire de l’électronique. La meilleure façon de doser la quantité d’eau distillée que l’on doit mettre dans son humidor, est de le laisser se servir. Pour cela, il suffit de verser généreusement de l’eau distillée dans un petit plateau, ou une assiette plate, puis d’y poser, grille vers l’eau, son humidor. En quelques minutes, il absorbera exactement ce dont il a besoin. Il faut penser à l’égoutter et l’essuyer avant de le repositionner dans la cave, car si effectivement l’ambiance doit être humide, il ne doit pas pleuvoir sur nos cigares.

Nous pouvons maintenant y ranger nos cigares, mais souvenons-nous, nous ne sommes pas dans le métro, il faut pourvoir fermer la cave sans écraser nos vitoles. La aussi, comme pour toutes premières fois, il faut de la patience. Laissons notre cave fermée une bonne journée avant de commencer à l’ouvrir toutes les cinq minutes pour admirer son contenu.

En fait, le rôle de notre cave est de se rapprocher le plus possible d’une ambiance tropicale. Notre cigare se sentira dans son élément à partir de 70% d’humidité et avec une température intérieure entre 18 et 25 degrés. A ce niveau, c’est affaire de goût. Certains d’entre nous monteront un peu le taux d’humidité, à titre personnel j’apprécie le moelleux d’un cigare conservé entre 72 et 80%, d’autres préfèreront un cigare plus ferme en abaissant le taux d’humidité à 65%. Attention, au-dessus de 80% votre cigare devient difficile à fumer car trop humide, et en dessous de 65% vous avez de fortes chances d’allumer un feu de paille.

Si vous sentez monter en vous ce picotement chaque fois que vous passez devant une civette, qui vous pousse à acheter un nombre irraisonnable de modules, alors préférez plusieurs caves de capacité moyenne à une seule grosse. Le stockage n’en sera que meilleur, et surtout vous éviterez une trop grande mixité des arômes.

Mais, me direz-vous, et ceux qui n’ont pas de cave ? Chacun a sa recette : la boite dans le frigo avec une carotte ou une patate, le sac plastique doublé avec une éponge, l’étui en étain du grand père… la meilleure solution, reste quand même d’acheter une civette dans des conditions optimales de conservation de quoi satisfaire l’envie de fumer de l’instant. Comme quoi, comme pour la tête, quand on n’a pas de cave, il faut des jambes…

   

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